Le flanc lacéré. La cuisse endommagée. Carnation écartelée. La paume à-même l’épiderme sanglant. Le tressaillement qui gagne la commissure de ton visage émacié. La douleur consume tes dernières forces. Ressources dépensées au cours de l’affrontement. Tu as combattu vaillamment, sans jamais te retirer du champ de bataille. L’état fiévreux gagne ton corps meurtri par la haine. Son image te revient, celle qui hante ton esprit depuis des semaines. Sa haute stature recouverte d’une pilosité drue et noire.
Ce ne peut être qu’elle. Celle dont les paluches arpentent les sombres étendues forestières lorsque l’astre lunaire est au summum de son règne. Et ces flashs qui défilent, ces deux orbes ambrées, cette épaisse toison. Ce ne peut être qu’elle. Le film de tes pensées ne cesse, allant et venant, depuis l’objet de l’enquête jusqu’aux détonations produites par tes maléfices. Duelliste de renom, tu as bataillé sans relâche. Mais que faire contre une meute toute entière. Fuir.
Et tu te relèves, puisant en toi la ténacité du loup, celle qui te permet encore de disparaître dans un claquement vif et sec. Tu as survécu, et si cela témoigne amplement de tes compétences, ce n’est pourtant pas une fin en soi. Une faiblesse tout au plus. Jonchant à peine le bois du bateau, t’appuyant contre le mat du voilier. Péniblement. La fournaise carabinée pulse en continue sous ta main sanguinolente. Tu as perdu du sang. En quantité suffisante pour initier un soupçon d’inquiétude.
Le roi empoisonné – celui qui sommeille encore en toi – lorgne laborieusement du côté de la cabine éteinte. « Lu’ » souffles-tu l’espace d’un instant, à la recherche de celle que tu juges capable de te venir en aide. Celle, qui n’est autre que l’opératrice de cette vile morsure. Telle une lame que l’on retourne dans une plaie, tu maugrées, le genou à terre en guise de renoncement. Le réflexe fuse, celui de constater la blessure de tes propres yeux.
Et tu détaches les boutons de la parure de tissu qui, maculée d’hémoglobine, laisse apercevoir des trainées violâtres. Tu feins cet air suffisant qui te sied si bien. Même à terre, même à bout de souffle tu maintiendras l’honneur. Du revers du poing tu assènes plusieurs coups contre le madrier. Le mal est insoutenable. Les premiers soins et le garrot confectionné de tes mains ne suffiront pas. Il te faut une intervention plus poussée, c’est évident. You were right, Lubia, you hurt me. But I'm still alive, I've promised.
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vergangenheit x lubia & murwald
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Re: vergangenheit x lubia & murwald
Grisée des rayons de lune et d'avoir couru toute la nuit, le froid sibérien mord ta peau alors que la gibbeuse s'arrache au ciel. Les frissons parcourent ton épiderme, et elle te serre alors que tu reprends le contrôle de tes membres au même rythme qu'ils reprennent ta forme humaine. Les dessins encrés qui parsèment ta peau se constellent des piqûres de la chair de poule qui s'empare de toi. Tes prunelles d'acier parcourent l'immensité inhospitalière qui a vu naître certains de tes ancêtres, et tu lâches un dernier hurlement sauvage avant de disparaitre.
Les muscles gonflés d'avoir tant couru, enivrée de la puissance de la bête avec laquelle tu partages ton corps depuis la moitié de ton existence, tu te glisses le long du quai, ignorant sciemment les premiers salariés qui se pressent vers le travail autour. Les derniers lambeaux de sauvagerie s'accrochent encore à ta conscience, empreints de passion et de brutalité - il n'est jamais aisé d'interagir avec des humains dans ces conditions, elle veut encore les mordre. La pleine lune toujours inscrite dans tes veines, et elle veut courir, encore, chasser, s'exploser le cœur d'avoir trop voulu découvrir la fin des steppes gelées. Avec langueur, tu t'étires avant de percer la chappe protectrice qui camoufle l'Insubmersible III des regards, l'âme sereine. Tu te prépares mentalement à aller t’enfermer dans ton bureau au Ministère, profitant de l’absence de la plupart des autres fonctionnaires pour ne pas écorcher des collègues par les mots.
Tu le sens avant d’entendre le râle. L’odeur métallique et doucereuse du sang, les plaies profondes. Tes lèvres se retroussent instinctivement sur tes dents, rictus agressif déjà prêt à en découdre, les poings qui se referment sans même songer à attraper ta baguette – si près de la pleine lune, les réflexes se font agressifs et animaux, foncièrement physiques. Tu le vois alors même qu’il assène des coups violents pour attirer ton attention, les prunelles qui s’écarquillent de le reconnaître. Toujours cet air fier et suffisant malgré la douleur que le Russe doit certainement ressentir, et si une lame d’inquiétude ne s’était pas immédiatement insinuée entre tes côtes, tu aurais levé les yeux au ciel, le maugréant pour son orgueil maudit. « Putain mais qu’est-ce que t’as fait?! », t’exclames-tu en te précipitant vers lui, l’obligeant à s’appuyer sur toi – qu’il le veuille ou non. Le journaliste résiste à ton appui, d’abord, mais il est blessé alors que ta propre force est à son paroxysme : un combat inégal. « Laisse-toi faire bordel », grognes-tu, une lueur animale dans le regard. T’étais pas prête à interagir avec des humains, Lubia. Pas tout de suite – mais il faudra lui faire violence.
Tu l’obliges à s’asseoir, tes doigts se promenant avec prudence le long de son torse fort, sillonné de marques. Tu arraches ce qu’il reste de sa chemise soyeuse et hors de prix (comme toujours, l’animal a le goût du luxe), pâlissant à la vue des marques. Impossible. Il existe tant d’êtres magiques et de créatures sauvages capables de blesser. Impensable. Une coïncidence, la date. Non. « Faut aller à l’hopital! » T’es incapable de l’aider, au-delà de l’évidente pression sur les plaies, que tu mets en te servant de sa chemise déchirée. « Eph’ … », souffles-tu. « Qu’est-ce que t’as fait … » j’entends les cris au loin des loups qui veulent s’évader.
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Re: vergangenheit x lubia & murwald
Le genou contre le plancher du cargo tu martèles le bois de tes dernières forces. Le fracas retentit dans la nuit noire bien qu’étincelante des rayons de lune. Ses apophtegmes tranchent, attaquent. Qu’as-tu encore bien pu faire ? Rien – si ce n’est te défendre d’une menace imminente. La vie sauve, loin d’être saine. Et tu résistes bien que tu ne tiennes pas longtemps face à la poigne de la slave. L’astre trônant ce soir aidant. Tes narines se froncent et tu t’apprêtes à aboyer. Tu te ravises.
Tu n’es pas en état de décréter quoique ce soit. Tu n’es pas non plus en mesure de lutter. Tu l’as déjà fait. Ces éclairs prestigieux émanant de l’orme en ta possession n’ont permis qu’un repli stratégique. Tu te remémores les yeux perçants et jaunes, les rugissements haineux, les griffes acérées. Loin d’une quelconque culpabilité du survivant, tu es tiraillé par cette appétence pour l’affrontement. La mort questionne de nouveau ton esprit embrumé. La limite a toujours été si fine.
Tu grognes. Plus fermement. Tu essaies de repousser son aide – tu viens à peine de le lui demander. Les paupières closes sous le bout de ses doigts contre ton buste saillant mais meurtri. Lui aussi. Tu voudrais hurler, bramer au monde entier qu’il est odieux de calomnier un tissu d’une si grande qualité. Et pourtant tu l’as en partie fait plus tôt, installant un garrot de fortune au niveau de ta cuisse. Enfin le cri perce le supposé silence.
« Plutôt crever ! » Le hurlement frappe sous la pleine lune. Jamais. Jamais tu ne mettras un pied à l’hôpital, surtout pas dans cet état. Jamais. Ce serait réduire à néant ta condition mondaine, ton influence sur le monde sorcier. Jamais. C’est impossible. Clivage monstrueux – autant que tes blessures – tu restes conscient de la profondeur des plaies. « Jamais » reprends-tu, le souffle court mais appuyé. « Lu’ ». Presque inaudible. Le surnom. L’affection. La supplique.
Sous l’éréthisme tu aspires à te redresser, sans succès. Tu flanches une nouvelle fois. C’est insoutenable. Tant la douleur que la haine de soi. Cette envie de basculer, toi qui t’es si longtemps baladé sur la corde tel le funambule. Tout arrêter. Enfin. Pour l’embrasser, celle avec qui tu joues toutes ces années ; et encore plus cette nuit. Nouveau cri. De rage. « Ce loup … » commences-tu, croisant son regard difficilement.
« C’était toi ». La lame transperce ton poitrail. Tu faiblis davantage. Les reproches n’étaient pas la meilleure chose à faire. « Trouve-moi de l’essence de dictame » ordonnes-tu en redressant le menton. Tes prunelles chevauchent les siennes. La peine, le remord. « Tu m’avais prévenu ». Oui, et tu n’as pas assez pris au sérieux ses menaces. Tu as joué. « Je refuse que l’on me voit dans cet état ». Le ton catégorique s’impose comme la réprimande que tu ne peux tenir. Et toi t'es où pour me sauver ? Tu m'laisses fou sur le pavé.