Les yeux s’ouvrent. Fin d’un sommeil sans rêve. Retour de la douleur lancinante qui lui crève le coeur. Retour de la haine contre celui qui avait fait basculé sa vie. Deux fois. Retour de cette sensation de vide au niveau du bas ventre. Elle aurait voulu dormir encore, puisque sa montre posée sur la table de nuit affiche quatre heures et quelques du matin.

Victoria dort à côté d’elle, ses cheveux blonds éparpillés sur l’oreiller, ma main dans celle de sa soeur dont elle ne partage de trop intensément la douleur. Les mouvements de la cadette se font lents pour ne pas la réveiller. Sa soeur n’avait déjà que trop veillé sur elle.

L’appartement est dans un état déplorable. Sa blouse traine sur le canapé depuis trois jour. Elle n’a pas été à l’hopital, ratant quelques gardes, prétendant être tombée malade. Machinalement, elle la prend pour la ranger. D’une des poches, une petite note écrite par Elio quelques jours plus tôt…

Parfois, les évidences peuvent prendre un peu de temps pour être comprises. Pourtant elle est bien là, révélée par cette écriture qu’elle ne connait que trop bien. Elle ne prend même pas la peine de s’habiller, Juliet. Elle s’enroule dans une cape par dessus son pyjama et traverse Inverness sous la lune, sous la pluie.

Il ne lui faut que quelques minutes pour rejoindre l’immeuble d’Elio et de se retrouver devant sa porte. Elle a passé le chemin à se demander ce qu’elle allait lui dire. Comment elle allait lui dire. Quels mots ? Quels intonations. Ne pas pleurer. Et s’il n’était pas là ? Et s’il était de garde ?

Elle avait désespérément besoin de lui.

Le médicomage ayant terminé sa garde à minuit, il dormait lorsque des petits coups donnés sur sa porte se firent entendre. Le Cooper avait toujours eu le sommeil léger. Et encore entre le rêve et l’éveil, il maudit Matéo d’avoir encore oublié ses clefs. Sauf qu’il se fit la réflexion que ce ne pouvait pas être son frère, puisqu’il ne vivait plus ici. Il ouvrit un œil et regarda l’heure indiquée sur son réveil. Cinq heures. Il tendit l’oreille et finit par se dire qu’il avait certainement mal entendu ou rêvé. Il referma les yeux et de petits coups résonnèrent de nouveau. Bon, il y avait vraiment une personne de l’autre côté de sa porte d’entrée. Il se frotta les yeux, sortit de son lit vêtu d’un short et d’un tee-shirt, alluma la petite lampe murale en sortant de sa chambre puis ouvrit la porte, le regard encore ensommeillé.

« Juliet ? »

Que faisait-elle ici à cette heure ? Surtout devant chez lui...Cela n’augurait rien de bon. Ils étaient séparés et si elle venait ici, ce n’était pas pour une raison très joyeuse.

« Est-ce que ça va ? »

Peut-être avait-elle perdu, elle aussi, un patient ? La dernière fois qu’il avait fait la même devant la porte de la Blackthorn c'était pour cette cause et cela s’était terminé dans le lit de la blonde.
Elle remarqua alors que sa cape était trempée. Il ne s’était même pas aperçu qu’il pleuvait dehors.

« Entre, je t’en prie. »

Il se décala de l’embrasure pour la laisser passer. Il n’était pas certain que ce soit une bonne idée, mais il ne pouvait la laisser sur le palier.

Elle frappe. Une fois. Presque silencieusement. S’excusant intérieurement d’être là. Sur ce pallier. Devant cette porte. Fut un temps où elle rentrait sans prévenir. Elle déposait son sac par terre à côté de la commode puis elle rejoignait Elio pour l’embrasser. Ce temps était révolu. Désormais, elle attendait. Priant presque pour qu’il n’ait pas entendu. Ou qu’il ne soit pas là. Que cette porte reste close. Qu’elle soit contrainte de retourner sur ses pas.

Elle frappe. Une seconde fois. Un peu plus fort. S’excusant toujours d’exister. Elle a essayé de faire demi-tour mais impossible. Si elle est venue jusqu’ici c’est parce qu’elle sait que le soutien du Cooper était précisément ce qu’il lui fallait. Il avait sur la soutenir, après la fausse couche. Il avait su la soutenir, quand elle avait apprit qu’elle n’était pas accidentelle. Elle avait besoin de savoir si aujourd’hui, encore, il saurait. « Juliet ? Est-ce que ça va ? »

Elle avait entendu les pas dans le couloir, vu la lumière sous la porte. Ca ne l’empêche pas de sursauter pourtant en voyant le visage de son ex-petit ami dans l’embrasure de la porte. Pâle comme un linge, elle signifie non de la tête sans même essayer de prononcer un mot. « Entre, je t’en prie. » Elle aurait du répondre merci, après qu’Elio ait refermé la porte derrière elle.

- Je suis désolée.

Il n’en faut pas plus que pour la digue à émotion qu’elle contrôlait tant bien que mal ne s’écroule. Ramenant ses mains sur son visage, elle n’arrive même pas à la couvrir entièrement pour camoufler les premiers sanglots. Sans hésiter, parce qu’elle en a desespérément besoin, la besoin se rapproche d’Elio pour se tenir contre lui, dissimulant ses larmes dans son tee-shirt.

La Blackthorn n'avait réellement pas bonne mine. Et l'inquiétude pointa le bout de son nez chez Elio. Il ne pouvait contrôler ce sentiment concernant Juliet (si ce n'était ce seul sentiment...).
Elle entra tout en s'excusant. Cela ne l'étonnait guère de la part de la Blackthorn. Il commençait à la connaître suffisamment pour savoir que venir ici en pleine nuit la mettait mal à l'aise. Elle devait même s'en vouloir de l'avoir réveillé. Mais il n'eut pas le temps de lui demander ce qu'il se passait.
Les larmes arrivèrent très vite et elle se cacha le visage avant de venir contre lui.
Son coeur se serra. Par Merlin comme il détestait la voir en souffrance.

Il l'entoura de ses bras et tant pis si la cape trempée venait à humidifier ses vêtements. Il fit glisser la capuche et posa une main réconfortante sur ses cheveux. Il était confus. Il était en train d'apprécier cette étreinte et s'inquiétait en même temps pour Juliet.
Il la laissa un moment ainsi contre lui. Si elle avait besoin de décharger une émotion avant de pouvoir lui expliquer, il patienterait.

"Je suis là."

Ces mots qu'une mère aurait pu dire à un enfant pour le réconforter, il les laissa s'échapper de sa bouche. Il était présent pour elle, même s'il savait qu'à un moment où un autre, il allait s'en mordre les doigts.
Si c'était Jolan qui la mettait dans cet état, même sans alcool, il serait bien capable d'aller lui mettre une bonne droite.
Les pleurs se calmèrent petit à petit. La décharge était passée.

"Je te propose d'ôter ta cape et je vais préparer une tisane. Installe toi sur le canapé, je reviens."

Ça n'a pas manqué, entre les larmes et la cape trempée, le tee-shirt d'Elio était à son tour humide. D'un coup de baguette il lança un sort pour réchauffer l'eau dans la bouilloire et s'en alla dans sa chambre pour changer de tee-shirt.
Il revint en adressant un doux sourire à Juliet qui avait les yeux rougis par les larmes. En passant, il déposa une boîte de mouchoirs sur la table basse, au cas où...

"Alors, je te propose menthe, ou un mélange de fleurs d'oranger et de jasmin, ou bien encore tilleul. Ah non, attends, j'ai aussi une tisane spéciale Noël, même si ce n'est pas l'époque, elle est plutôt sympa," dit-il en fouillant dans le placard.

Et après ils auraient le temps de parler. En tout cas, il prendrait le temps de l'écouter.

Ca serait mentir de dire que ce n’est pas ce qu’elle attendait. Ce qu’elle espérait. Ce dont elle avait besoin. Elle paraît plus frêle, plus fragile que jamais alors que les bras du Cooper se ferme autour de ses épaules. Parfaitement immobile, elle pleure ce bébé perdu. Elle pleure cette nouvelle inattendue. Les larmes abondent de longues minutes, soutenue par la main d’Elio contre son crâne et par quelques mots chuchotés au-dessus de sa tête. Il était là. Il avait toujours été là. Elle le savait, mais par Morgane comme elle culpabilisait d’avoir encore besoin de sa présence.

Ils restèrent ainsi sans bouger jusqu'à ce que ses yeux finissent par se tarir. Dans ce quasi silence interrompu uniquement par les sanglots. Et lorsqu’elle se fut complètement calmée, il se recula sans la brusquer. Les yeux océans de la Blackthorn virent à la rencontre du parquet, incapable de soutenir le regard de son ex. “Je te propose d'ôter ta cape et je vais préparer une tisane. Installe toi sur le canapé, je reviens." Elle hoche la tête.

Docile, elle abandonna sa cape trempée sur la patère de l’entrée avant de se diriger vers le canapé en essuyant ses joues mais aussi son nez du dos de sa main. En l’absence d’Elio, elle essaya de se concentrer sur la pièce et sur le mobilier. Rien n’avait changé ou presque. C’était mieux rangé. Il y avait moins d’affaires et la décoration avait été épurée. Depuis la cuisine, tout prêt, le nouveau médicomage titulaire lui liste les tisanes qui pourraient lui donner envie.

- Fleur d’orange et jasmin.

La formule de politesse s’entend dans sa voix et elle se penche finalement pour prendre un mouchoir parmi la boite qu’il a déposé devant elle, prevenant. Elle se mouche. Le silence qui suit est si pesant que Juliet finit par le briser de la seule manière qu’elle peut envisager.

- Je suis vraiment désolée de débarquer en plein milieu de la nuit, Elio… Mais il faut… il fallait… que je te di -

La gorge tremble. Comment lui dire, seulement ?

L'aîné des Cooper était bien réveillé maintenant. Il prit un plateau, deux tasses, et mit la tisane à infuser. Pendant ce temps, Juliet se mouchait et tout un tas de question se bousculait dans sa tête.
Juliet reprit la parole. Mais les mots se serrèrent dans sa gorge.

Il posa le plateau sur la table basse et vint près d'elle.
Qu'avait-elle de si dramatique à lui dire ? Parce qu'il s'agissait pour sûr d'un drame...

Tout en posant sa main sur son dos, il lui dit posément :
"Ne t'inquiète pas pour mon sommeil."

La voilà qui s'excusait encore une fois. Et il avait envie de lui dire qu'elle serait toujours la bienvenue chez elle. Mais pouvait-il se le permettre ? Au plus profond de son coeur, évidemment qu'il aimerait qu'il en soit ainsi. Mais il ne pouvait se l'autoriser.

"Que se passe-t-il Juliet ? Dis moi."

Allez, il fallait qu'elle réussisse à lui expliquer maintenant. La voir ainsi sans en connaître la raison était difficile à supporter. Son ventre en était tout noué.

La réalité était-elle pire que ce qu’elle avait imaginé ? Elle restait persuadée que ses parents auraient bien été capable de faire ce qu’Octave avait entrepris, s’ils avaient eu vent de cette grossesse. Le risque d’accoucher d’un petit bâtard issu d’un sang-mêlé était plus grave que la possibilité de voir leur fille cadette mariée au Muller dont la réputation n’était pas reluisante même s’il était le cadet d’une bonne famille.

La réalité, c’est que cette découverte la renvoie deux ans auparavant. Elle se souvient du sang. Elle se souvient de cette période si difficile où elle avait du faire le deuil d’un bébé dont elle venait d’accepter l'existence. Ce ventre vide, elle le sentait toujours. L’impossibilité de transplaner seule demeurait encore aujourd’hui. Le doute était difficile. La réalité était impossible.

La présence d’Elio avait toujours été apaisante. Cette main dans son dos, c’était la même qui était venue la consoler en Espagne. La voix qui l’interrogeait avec une patience d’ange n’avait pas changé. Elle aurait voulu que rien ne change…

- La fausse c-… enfin… l’avortement que j’ai subi-

C’était si douloureux de mettre des mots sur la réalité.

- Ce ne sont pas mes parents. C’était Octave Muller.

Il n’avait jamais posé la question du père potentiel. Et pourtant, voila la réponse. Sur un plateau de sang et de larmes.

Les premiers mots sortirent et Elio se crispa. Ainsi donc il s'agissait de sa fausse couche, enfin de l'avortement. Quand Juliet aurait-elle enfin la paix avec ce drame ? Il se souvenait parfaitement le jour où elle lui avait expliqué ce qu'elle avait vécu. Ils étaient en Espagne à ce moment là, renouant ensemble après une pause due à une incompréhension. Et pendant cette période de distance, elle avait vécu cette souffrance.
Elle avait bien fait de venir le voir. Mine de rien, elle avait débuté son processus thérapeutique avec lui. Il lui semblait tout à fait normal qu'elle revienne vers lui à ce sujet.
Ainsi donc, ce n'était pas ses parents ? Elio ne savait s'il était soulagé ou non. Si ses parents n'étaient pas intervenus de la sorte, était-ce parce qu'ils n'était tout simplement pas au courant ? Quelle aurait été leur réaction alors ? Le Cooper ferme les yeux un instant. Il n'avait aucune confiance envers ces parents psychopates alors seul Merlin savait de quoi ils étaient capables.

Le coupable serait un Muller. Elio ne mit pas longtemps à comprendre qu'il s'agissait probablement du père. Mais sur ce point, il était confus car il pensait qu'il s'agissait de Jolan. Avait-il mal compris ? S'était-il fait des films tout seul ?
Il était encore terriblement désolé qu'elle ait vécu cette atrocité et que cela continue de la hanter aujourd'hui.

"Es-tu certaine de ce que tu avances ?"

Parce qu'elle croyait que la fausse couche avait été provoqué par ses parents. Avait-elle la preuve qu'il s'agissait du Muller ? Encore un sang pur perfide. Il n'allait certainement pas blâmer Juliet d'être tombée dans ses bras. Elle ne pouvait pas savoir ce qui allait se passer par la suite. Mais c'était une Blackthorn, une sang-pur, alors pourquoi un tel acte de sa part ?
Décidemment, il ne comprenait rien à ce monde des sangs soit disant pur.
Il la prit dans ses bras, s'installant tous deux plus confortablement dans le canapé.
Il ne pouvait faire plus à part lui donner un peu de douceur.

« Es-tu certaine de ce que tu avances ? ». La question était des plus pertinents. En deux années, elle avait successivement accusé le hasard, puis ses parents… Et maintenant Octave Muller. Elle reste silencieuse face à cette question, pendant quelques secondes. Même elle, elle a du mal à y croire. Elle se passe en revue tout ce qui a pu la mener à cet effroyable constat. Elle cherche la faille. Elle cherche ce qui pourrait la faire démentir.

Et elle hoche la tête. Oui, elle est sûre. Bizarrement, en accusant ses parents, elle les savait capable mais ne pouvait pas le croire. S’agissant d’Octave, elle ne le pensait pas aussi vil mais ça parait comme une évidence.

Le Cooper la prit dans ses bras et elle s’y réfugia sans lutter. Elle posa sa tête contre son torse et elle se sentit aussitôt un tout petit peu mieux. Elio, c’était sa safe place. Quoi qu’il arrive, malgré tout ce qui avait pu les séparer, elle se sentait en confiance et en sécurité quand elle était près de lui.

- Je sais que ça peut paraître dingue mais… J’ai couché avec lui. Une fois. Et c’était une terrible erreur. Je ne sais même pas pourquoi j’ai fais ça, ça n’avait aucun sens. Quand je… quand j’ai su que j’étais enceinte j’ai été le prevenir et il a été horrible. Il a dit qu’il prefererait me voir morte que mère. Il a dit que jamais je n’aurais ce bébé. Et il m’a laissé partir. On s’est revu quelques semaine après et je ne le savais pas mais il a du mettre quelques chose dans mon thé et.. J’ai perdu le bébé quelques heures après ça…

Presque machinalement, elle efface ses larmes au fur et à mesure qu’elles coulent sur ses joues. Au moins a-t-elle su calmer les sanglots pour raconter ses misères.

Par Merlin, comment de telles personnes pouvaient exister ? C’était la réflexion d’Elio en écoutant les explications de Juliet. Lui qui s’évertuait à sauver des vies, d’autres étaient capables de donner la mort sans une once de remord. Juliet n’était-elle entourée que de psychopathes ? Etait-ce une dégénérescence occasionnée par la consanguinité chez les sang purs ? Ce serait d’ailleurs une bonne étude à faire : y avait-il plus de personnes psychopathes chez les sang purs que chez les sang mêlés ?
S’il n’était pas autant pacifiste, il aurait de fortes envies de les brûler vif, tous ces dangereux déglingués de la cervelle.

« C’est tout simplement horrible. »

Il se l’était dit plus pour lui même mais se rendit compte qu’il l’avait mentionné à voix haute. Le constat était là et certainement partagé par la Blackthorn, mais ce n’était pas ça qui allait lui permettre d’aller mieux.
Elle ne devait certainement pas avoir de preuves suffisantes pour aller en justice contre lui. Elle ne serait pas dans un tel état sinon.

« C’est horrible mais tu vas surmonter tout ça. Tu en es capable. Tu es incroyablement résiliente. »

Il se pencha en avant, tout en maintenant Juliet contre lui, attrapa un mouchoir et le lui donna.

« C’est un véritable cauchemar pour toi en ce moment. Mais on finit toujours par en sortir. Ce que tu viens d’apprendre est atroce, mais c’est aussi la fin d’un chapitre douloureux. »

Elle a toutes les informations concernant cette « fausse couche ». Elle n’aura pas d’autres surprises alors elle pourra faire le chemin vers un deuil complet.

« Peut-être n’arriveras-tu pas à vivre complètement en paix avec cette histoire, mais je te le souhaite tout de même. Dans tous les cas, tu arriveras à vivre avec. »

Puis il ajouta :

« Dire que je pensais que le père était Jolan. Finalement j’aurai préféré que ce soit le cas. »

« C’est tout simplement horrible. » C’était bien résumé. Horrible au point d’avoir la nausée depuis plusieurs jours. Horrible de savoir si tard, sans pouvoir faire quoi que ce soit. C’était l'abattement qui semblait avoir prit possession de la douce Blackthorn qui se demandait seulement si elle était capable de nourrir le feu de la vengeance ? Ne se sentirait-elle pas mieux si elle partait en guerre contre celui qui lui avait arraché son bébé ? Elle n’était que trop consciente que le Muller était en l’état inatteignable. Trop loin pour subir les affres sociaux de cet acte. Trop malin pour avoir laissé la moindre preuve exploitable par un tribunal.

Il ne lui restait donc plus que ses yeux pour pleurer. Et les mots d’Elio pour l’entourer de cette bienveillance qu’il dont il n’avait jamais manqué. «Tu es incroyablement résiliente.» Elle n’aurait jamais cru qu’on puisse dire ça d’elle un jour, mais maintenant qu’il l’exprimait et qu’elle regardait en arrière, elle se rendait compte qu’il n’avait pas tort. Que dans sa douceur elle pouvait être forte. Qu’elle avait survécu ces dernières années à plus de maux qu’elle ne se sentait capable d’affronter.

Pas sans douleurs, pas sans larmes. Poupée de chiffon dans les bras du Cooper, l’écossaise se laisse aller en avant puis en arrière avant de récupérer le mouchoir qu’il lui tend. Elle frotte ses yeux et son nez. « C’est aussi la fin d’un chapitre douloureux. » Ce sont précisément ces mots qui lui font le plus de bien. Parce qu’il a raison. Il n’y a plus de questions sans réponse. Il n’y a plus d’incertitude. Ne reste que la douleur que le temps finira par apaiser. Elle hoche la tête, froissant le mouchoir humide entre ses mains. « Dire que je pensais que le père était Jolan. Finalement j’aurai préféré que ce soit le cas. »

- Moi aussi.

Mensonge. Parce qu’elle ne pouvait pas dire la vérité. Parce qu’elle ne pouvait pas trahir le secret de Jolan et que sa condition aurait rendu la grossesse de Juliet particulièrement dangereuse. Mais aussi parce que la seule personne avec qui elle avait envisagé d’avoir un enfant un jour, c’était l’homme qui l’entourait de ses bras à cet instant.

- Je peux rester ici jusqu’à ce qu’il fasse jour ?

Elle comprendrait qu’il dise non. Mais la réalité, c’est qu’elle n’a même plus la force d’affronter la nuit.

"Bien sûr."

Pour une fois, il avait répondu avant de réfléchir. Mais aurait-il été capable de lui dire non de toute façon ? Certainement pas en la voyant dans cet état. Il savait pourtant qu'il ne devait pas, que c'était remuer le couteau dans sa plaie mais il était incapable de la mettre à la porte.

"J'ai une chambre de libre."

Celle de Matéo, bien entendu. Elle l'aura compris.

"Ne t'inquiète pas, il n'en saura rien."

Pas question de lui en faire part car il connaissait déjà sa réaction. D'ailleurs, il évitera aussi de le mentionner à Wyatt, il a la langue trop pendue.

Il continua avec un ton plus léger.
"Et puis, sa chambre est rangée et les draps sont propres...si ça peut te rassurer."

Oui Elio avait craqué. Il avait fait un bon coup de nettoyage dans la chambre de son frère. Il avait aussi commencé à empaqueter ses affaires pour, soit les lui envoyer, soit les stocker chez leurs parents. Matéo n'allait certainement pas revenir vivre à Inverness et quand ils se voyaient c'était soit à Londres, soit en Espagne.

"Et ne me parle pas du canapé. Tu seras nettement mieux dans un lit."

Elle aurait comprit, s’il avait refusé. Après tout, là n’était pas sa place. Même si elle avait l’impression tenace que c’était le cas… Elle aurait comprit mais le soulagement est intense alors que le Cooper accepte qu’elle reste ici, lui proposant la chambre de Matéo. Elle rit, même, alors qu’il lui assure qu’il a fait le ménage et changé les draps…

- Merci.

Le soulagement transparait librement dans les trémolos de sa voix. Elle efface de sa manche une énième larme en espérant que ce soit la dernière. Elle soupire sans bruit et inspire profondément avant de se lever. Il ne reste plus que quelques heures avant l’aube, après tout. Ce n’était que quelques heures…

La vérité, c’est que Juliet passerait bien des heures auprès d’Elio durant les prochaines semaine. Allant même jusqu’à rencontrer les Cooper d’Espagne durant quelques jours au grand déplaisir de Matéo.

Elio avait raison. Ce chapitre douloureux de son histoire se terminait ici et maintenant.