Elle avait juste mal au ventre. Juste ça. Et si cela ne l’avait pas empêché de danser, elle n’y aurait sûrement apporté aucune attention.

Assise dans la salle d’attente, Joeïa regarde autour d’elle. Une boule s’est formée dans sa gorge depuis plusieurs jours. Depuis l’annonce. Examen, potion. Nouvelle. Vous êtes enceinte. Puis, peu de temps après, l’échographie. Estimation. Elle s’attendait à un petit chiffre. Trois semaines. Un mois. Deux, à la limite, même si elle se souvient très bien avoir eu ses règles le mois dernier. Les pertes de sang, ça arrive lors d’un déni de grossesse. Déni de grossesse. Ces mots lui font peur. La chose en elle n’a pas trois semaines, mais déjà quatre mois.

Quatre. Lorsqu’on le lui a appris, Joe a rapidement fait le calcul. À cette période, elle n’a eu qu’un partenaire stable, qu’un seul avec lequel elle a pu manquer de vigilance. Joe n’a pas pleuré. Depuis l’accident de sa mère, elle a toujours tout fait pour ne pas verser de larmes, que ce soit de colère ou de tristesse. Seul Erawan a réussi cet exploit. Et là encore, Joeïa a tout fait pour ne pas pleurer. Ne pas hurler. Un bébé ? Quatre mois ? Certainement pas ! Elle a pourtant protesté. Je n’ai pas vomi, j’ai mes règles je vous assure ! Et regardez mon ventre, il est plat. Forcément, elle a pensé à toutes ces fois où elle a dansé à s’en faire mal aux muscles. Le bébé était déjà là. Petit. Invisible.

Est-elle une mauvaise personne ? Qui peut ne pas se rendre compte de ça ? Comment ne l’a-t-elle pas vu ? Négligence ? On l’a averti : elle a le droit de ne pas le garder. Alors elle est assise là, le siège se réchauffe sous elle. Sa jupe la serre, elle la remonte sur son ventre pour gagner un peu de place. Il est apparu en quelques heures, ce ventre. Il était pourtant plat le matin-même, lors du rendez-vous médical. En allant se coucher le soir, il avait déjà changé. Une semaine entière à éviter Cameron et Joshua pour ne pas avoir à leur dire que non, elle n’a pas grossi comme par enchantement. Quoique. Tout ça lui semble bien magique ! Et puis, Cameron… il ne pourrait pas entendre. Il paniquerait. Il souffrirait. Elle ne veut pas lui faire de mal. Cette décision, elle peut la prendre seule, il n’est pas obligé de savoir.

Quatre mois. Joe plante ses ongles dans la paume de sa main pour ne pas la poser sur son ventre. Hors de question d’essayer de le sentir. De culpabiliser. Elle ne l’a pas invité à venir, elle ne veut pas de lui. Ce qu’elle veut, c’est danser. C’est aimer qui elle veut. Un bébé, c’est trop compliqué non ? Joe tend le tissu, essaye de camoufler comme elle le peut. Aux autres. A elle-même. Pourquoi est-ce aussi long ?

La boule grossit dans sa gorge. Va-t-elle regretter ?


@Juliet Blackthorn

Sursaut. Franchement, quelle malchance de tomber sur quelqu’un qu’elle connaît ? Dans cette portion de l’hôpital ? En relevant les yeux, elle est presque rassurée de constater qu’il s’agit de Juliet. Que de Juliet… Mue par l’instinct, Joe fait ce qu’elle peut pour cacher encore plus l’évidence. Peut-être parviendra-t-elle à lui faire croire qu’elle est là pour un frotti ? Oui, possible. C’es responsable, c’est commun. C’est normal. Pas comme la chose qui lui pousse dans le bide. Il faut qu’elle se calme ou elle se grillera toute seule, sans l’aide de personne ! Avec beaucoup de difficulté, la tête toujours envahie de mauvaises pensées, Joe offre un sourire à la magnifique plante qui hante parfois certains de ses rêves les plus bouillants. Dans sa tenue médicale, la Blackthorn ne perd pas de son charme naturel.

Mais elle ne finit pas sa phrase. Et aux yeux clairs qui descendent sur sa silhouette, la sorcière perd son sourire. Elle sait. Et Joe sait qu’elle sait. Et Juliet sait que Joe sait qu’elle sait. Adieu les mensonges, elle va devoir dire la vérité et c’est pire que tout. Avec un peu de chance, elle se sentira… soulagée ?

« Vas-y. »

Elle aurait dû se racler la gorge, car la petite voix qui prend place entre elles laisse comprendre qu’elle en a gros sur le cœur. On le serait forcément à sa place, non ? Ce qu’elle s’apprête à faire n’est anodin pour personne. Mais elle a le droit. On lui a dit qu’elle avait le droit. Et Cameron ne doit pas savoir. Elle est la plus forte de la Triade, elle a endossé plus dur que ça. Alors, Joeïa redresse les épaules, relève le menton.

Silence gênant. D’ordinaire si enjouée et frontale, la sorcière parvient à peine à regarder son amie et ex-amante dans les yeux. Si elle le fait, le flot des paroles se déversera et tout deviendra réalité. Ce bébé de quatre mois sera vivant et elle sera celle qui… Non. Ne pas utiliser ce mot. La jeune femme se pince les lèvres, ajuste de nouveau sa jupe qui lui fait mal. Une première. Elle si coquette, qui adore s’habiller, se sent désormais à l’étroit dans ses tenues préférées. Ne pas l’embarquer sur le sujet de sa place au Styx… elle s’effondrera.

« C’est si évident que ça ? »

Lâche-t-elle enfin. Ou Juliet n’est-elle que simplement très bonne à son travail ? Les questions vont venir et elle s’y prépare mentalement. Ce n’est pas que ça la dérange d’y répondre ou qu’elle refuse… les mots sont simplement bloqués dans sa gorge pour qu’elle n’ait pas à faire face à une réalité qui la place sur un ponton glissant.

« Tu le gardes pour toi, hein ? »


@Juliet Blackthorn

Au fond, Joe sait qu’en faire un secret n’arrangera rien. Vivre avec cette information pour le reste de sa vie, sans en parler à ses personnes préférées - celles qui ont rythmé sa vie depuis la perte de sa propre mère - relèvera de l’épreuve constante. L’information finira par fuiter un jour ou l’autre. Elle craquera. Ils la regarderont avec dédain et mépris. La sirène ne sait même pas quel est le point de vue de Jo et Cam sur l’avortement. Mais quand elle pense à lui, elle imagine aussitôt sa réaction. La couleur orange s’impose à son esprit et elle secoue la tête pour l’effacer. Doug sera déçu d’elle. Ils la penseront… Soupir.

Alors, être accompagnée ou rester seule ? Avoir un témoin qu’elle connaît pour assister à l’une des dures périodes de sa vie ? Réflexion subitement stoppée par la révélation personnelle de Juliet. La sorcière se tourne vers elle, à la fois surprise et soulagée. On s’imagine toujours que ça n’arrive qu’aux autres, n’est-ce pas ? Avec elle, au moins, elle sera peut-être entendue. Joeïa prend la main de la médicomage et la serre.

« Reste. »

Difficile de déglutir avec l’angoisse roulée en boule dans sa gorge. Elle inspire profondément avant de tourner à nouveau le visage vers la blondinette, la tête remplie de questions qui ont toutes un point commun : la peur de l’inconnu.

« Est-ce que ça fait mal ? »

Ce n’est pas qu’on n’a pas voulu l'informer ou qu’elle n’a pas cherché elle-même l’information, mais il lui paraît que venant d’une amie, les mots auront bien plus de sens. De toute façon, Joe s’attend à la douleur mais, comme d’habitude, elle compte serrer les dents et encaisser sans rien dire. Certes, c’est une grande gueule mais il n’y pas meilleure qu’elle pour prendre les coups sans hurler de peur ou de douleur.

La prochaine question fuse aussitôt, incontrôlée.

« Est-ce qu’il va avoir mal ? »

Il n’est pas très gros en elle. Elle n’était pas un gros bébé non plus, tout comme Joshua. Deux crevettes. Sauf que son cerveau reste fixé sur le nombre de semaines déjà vécues en elle. Quatre mois, n’est-ce pas une éternité pour un foetus ? Il est déjà trop grand pour qu’elle n’y pense pas de cette façon. Ça lui coupe le souffle.


@Juliet Blackthorn

La réponse vient presque aussi rapidement que la question. Pourtant, elle ne la soulage pas. Joe pensait qu’en se retirant cette culpabilité des épaules, elle se sentirait prête à faire face à ce qui l’attend, mais même la vérité ne parvient pas à renverser la vapeur. Elle écoute son amie dont la voix de médicomage assurée lui apporte un confort dont elle ne sait pas encore quoi faire. Après tout, c’est son droit d’aller jusqu’au bout de cette démarche. Son corps, sa décision. Alors pourquoi est-ce si difficile ? Elle n’arrête pas de penser qu’elle s’apprête à s’en débarrasser comme on le ferait d’une croûte gênante sur le genou. Peut-être qu’elle saignera un peu mais quand restera-t-il, après quelques semaines ? Pas même une cicatrice visible, seulement le souvenir de ce qui se trouvait là, de la peine qu’elle a éprouvée.

Nouvelle surprise. Juliet n’a pas eu le même parcours, de toute évidence. Son choix a été différent. Elle met le doigt sur quelque chose d’important : elle s’en sentait capable. Joe, elle, a la sensation de tomber dans le vide, chahutée de tous les côtés lors de sa chute. Elle pense à sa mère, partie trop tôt, à ce père qu’elle ne connaît pas, à l’orphelinat, à Joshua et le mal que la Mort leur a fait, à Cameron. Son modèle de maternité, c’est Dayanara et elles sont si différentes qu’il est impossible, pour la danseuse, de penser qu’elle pourrait être une bonne mère. Ce n’est pas en elle. Elle n’a pas ce qu’il faut.

Pourtant, un regard extérieur penserait sûrement le contraire. Quand Cameron est arrivé, elle l’a pris par la main pour le protéger de tout son frêle corps de petite fille. Elle l’a serré dans ses bras, l’a rassuré la nuit lorsqu’il faisait des cauchemars - après en avoir passé tant d’autres à faire de même avec son jumeau, le plus sensible d’eux deux. Elle a toujours tout fait pour les protéger, les défendre et ce, au mépris de sa propre santé. Si elle n’est pas très organisée et certainement pas mature, il n’empêche qu’elle n’oublie jamais une date importante et qu’elle rapplique à la seconde où on lui témoigne une inquiétude.

Cependant, à cet instant, Joeïa est bien loin de se considérer sous de si bons auspices. A côté, Juliet a l’air parfaite pour ce rôle. Que lui est-il arrivé ? L’a-t-elle perdu ? Est-ce que ça pourrait lui arriver ? Voilà de nouveau l’angoisse qui la saisit à la gorge, c’est insupportable. Inspiration, expiration. Non, ça n’arrange rien. Méditation de mes fesses.

« Est-ce que ça fera de moi une horrible personne si je ne change pas d’avis, comme toi ? »

Joe n’est pas dupe, elle ne saura garder ce secret trop longtemps. Un jour ou l’autre, il finira par ressortir et, sans une bonne justification, elle se mettra à dos les seules personnes qu’elle aime jusqu’à s’en extraire le cœur de la poitrine à main nue. Sauf que, de bonne justification, il n’y en a pas. C’est bien la première fois que l’inconnu lui fait si peur, elle qui ne redoute ni le danger, ni les obstacles que la vie peut lui mettre sur sa route. Plus que tout, Joe ne veut décevoir personne. C’est elle, la figure forte de leur Trio. Elle est Jessie, l’intrépide, la captureuse de Pokémon voyons ! Mais en mère, elle ne se voit qu’en échec.

« Tu l’avais dit au père avant de venir ici ? »


@Juliet Blackthorn

Les confirmations de Juliet l’apaisent et même si elle ne se sent toujours pas en paix avec sa décision, elles ont au moins le mérite de lui apporter une réflexion. C’est vrai ça, c’est son corps non ? N’est-elle pas libre d’en faire ce qu’elle veut sans avoir à subir les critiques d’autrui ? Ne peut-être pas savoir mieux que personne si, oui ou non, elle est prête pour un tel changement dans sa vie ? Pourquoi douter alors qu’elle devrait, elle plus que toute autre personne, se faire confiance ? Ce sentiment ne lui est pas étranger. Les premiers mois de sa vie de trainee ont été une succession de questions similaires qui ont fini par la mener à des comportements autodestructeurs. Son menton se secoue de bas en haut en écoutant la Blackthorn lui faire part de ses propres décisions, ses interrogations.

« En vrai, ça pourrait arriver à n’importe qui. De pas savoir. »

Mais pour elle, ce n’est pas le cas. Elle SAIT. Le calcul n’est pas bien compliqué maintenant qu’elle a une réponse scientifique sous la main. Il n’y en a qu’un et ce qu’elle s’apprête est aussi dur JUSTEMENT parce que c’est lui. Elle s’imagine affronter son regard, sa déception et ses mots coléreux qu’elle penserait mériter, puisqu’elle a pris la décision de son corps sans lui. Peut-être aurait-elle dû lui en parler… ? Il aurait forcément été d’accord avec elle. Leur relation est si respectueuse du choix de l’autre qu’elle ne s’imagine pas un seul instant Cameron la forcer à vivre une vie dont elle ne veut pas.

Mais, et s’il voulait d’une famille, lui ? Elle n’y a pas pensé. Un des rares sujets dont ils ne parlent pas sciemment. Ils s’appartiennent l’un l’autre, la question d’une nouvelle entrée dans leur groupe restreint ne lui est jamais apparue comme une possibilité. Et pourtant… grandit en elle l’élément perturbateur. Elle serre la main de Juliet en retour.

« Oui. Et j’ai encore envie de le lui dire. Mais… » Les lèvres se pincent, clairement hésitantes. « Je le connais par cœur, Cam. Tout ça… cette décision à prendre… ça va le tuer, quelle qu’elle soit. Il a pas besoin de ça. Je le vois déjà s’arracher les cheveux du crâne, s’inquiéter sans cesse et s’en vouloir alors que c’est autant ma faute que la sienne ! Et si on devait l’avoir… Bordel, si on devait l’avoir, ce serait le chaos total. J’suis pas une mère. C’est pas un père. On a jamais eu ces modèles-là, tu comprends ? Le papa, la maman, la petite famille réunie où tout se passe bien… Nous on a l’hp et la mort. »

Une autre solution est possible mais Joe s’y refuse. L’évoquer lui est même impossible.


@Juliet Blackthorn

Elle n’aurait sûrement pas dû évoquer la situation de la mère de Cameron et que Juliet ne pose pas de question sur le sujet la rassure. Ce n’est pas à elle d’en parler même si elle se sent profondément liée à la famille de Cameron étant donné qu’elle le considère de la sienne. Toujours est-il qu’elle se retrouve dans une situation pour laquelle il n’y a aucune bonne façon de procéder. Dans tous les cas, un bouleversement se produira, elle ne peut l’éviter. Mais elle peut peut-être le rendre moins difficile à accepter. Via les mots de Juliet, elle comprend que ce n’est pas en restant assise sur cette chaise qu’elle parviendra à cette solution plus paisible. Elle ne saura pas non plus se regarder franchement dans une glace le matin ou faire face à Cameron sans ressentir le besoin de lui mentir, alors qu’elle n’a jamais aimé le faire. Son envie de le protéger est pourtant si forte qu’elle oscille entre les deux actions possibles. Tout cela est si effrayant… elle ne se souvient pas avoir eu aussi peur depuis son arrivée à l’orphelinat et même là, elle avait pris sur elle pour entourer Joshua d’une aura rassurante.

« Non, je ne pourrai pas. »

Elle profite de la pause de Juliet pour lâcher un soupir si long qu’elle croit avoir rendu le tout dernier qu’elle possède. Elle aimerait que tout soit plus facile. Con, hein ? Personne ne peut avoir la vie aussi facile et surtout pas elle. Elle pensait pourtant qu’après le fiasco de la Corée du Sud, on la laisserait un peu tranquille avec les décisions complexes. Il faut croire que le destin lui réserve encore d’autres petits tours. Celui-ci est vraiment mesquin.

Fort heureusement, dans sa grande mansuétude, il a mis la Blackthorn sur son chemin. Elle lui offre de nouvelles perspectives qui lui permettent de réaliser qu’elle n’a pas envie de prendre cette décision sans ses personnes préférées. Cameron et Joshua respecteraient son choix mais y participer renforcerait leur lien, en plus de lui donner l’assurance nécessaire pour avancer.

Mais peu importe la façon dont elle regarde les choses pour le moment, Joe ne parvient pas à s’imaginer mère. Cette terrible impression qu’elle ferait un horrible travail ne la quitte pas. Son seul modèle réside en la personne de Dayanara et, même si elle se sent proche, sait bien qu’elles n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Des opposées.

« Tu as raison. J’peux pas faire ça aujourd’hui comme ça, sans rien dire. Faut que j’en parle à Cam avant. »

Elle en tremble d’appréhension. Ce ne sera pas facile mais rien ne l’est jamais vraiment n’est-ce pas ? Le visage tourné vers Juliet, elle se pince les lèvres avant d’oser poser la question qui la trouble. Elle n’a jamais vu Juliet avec un enfant. Pas même enceinte même quand elles flirtaient ensemble. Quand a-t-elle eu cet enfant et où vit-il ?

« Tu dis que t’as changé d’avis toi. Tu es allée au terme ? Tu t’en sors toute seule avec un enfant ? »


@Juliet Blackthorn

Elle n’imaginait pas que cette petite question aurait tant d’impact. C’est en voyant le visage de Juliet changer que Joeïa comprend qu’elle aurait probablement dû fermer sa grande bouche, comme on le lui conseille souvent. Il n’y a plus trace de sourire sur les jolies lignes du visage de la médicomage et elle s’en veut aussitôt de pouvoir être la cause de sa tristesse. Même si, dans tous les cas, elle n’en est pas la raison principale.

Perdu... Il ne suffit que de ce mot pour que les lippes de la sorcière se fondent l’une dans l’autre. Le buste se tend et sa main, déjà calée dans celle de la Blackthorn, effectue une légère pression. Un soutien. L’enjoint à parler mais ne l’y force pas si tel est son désir. Juliet, en plein service, s’est montrée si présente et disponible pour elle alors que rien ne l’y obligeait, si ce n’est sa nature profonde.

« T’as pas à t’excuser, t’es même pas obligée en vrai… »

Nouveau pincement de lèvres. Joe laisse la sorcière s’exprimer mais ne peut empêcher ses sourcils de se froncer et ses doigts de comprimer les siens lorsqu’elle apprend la dure réalité de la vie de Juliet. Une colère teintée d’une profonde tristesse s’éveille en elle.

Un silence accompagne la révélation de la jolie blonde. La Yoon passe en revue toutes les options qui s’offrent à elle en guise de réponse. Des condoléances ? Lui dire qu’elle est désolée ? Qu’elle compatit ? Finalement, elle opte pour autre chose. Pour du pur Joe.

La sorcière réduit la distance entre elles, ses lèvres s’approchant des oreilles de Juliet pour initier une confidence.

« S’tu veux je connais un gars qui connait un gars qui connait une meuf qui connait un gars qui a une batte de baseball et sait bien s’en servir. J’dis ça… »

Elle hausse les épaules, feignant la rigolade quand rien, dans ce qui lui a été confié, n’appartient à ce registre. Pourtant, on peut lire dans le regard de Joe toute la peine qu’elle partage avec son amie. Qu’elle voudrait lui enlever des épaules. Qu’elle a peur de ressentir elle-même si elle devait perdre le sien sans avoir pu en parler avec Cameron avant.

« Merci. Pour la confiance. »


@Juliet Blackthorn

Faire face à une Juliet au ton légèrement revanchard lui donne du baume au cœur, allant même jusqu’à lui faire oublier sa propre peine. Elle aura au moins pu glisser un rire entre ses larmes, ce qui n’est pas facile étant donné le sujet abordé. Juliet a compris qu’elle ne souhaitait pas minimiser sa peine ou s’en moquer. En lui délivrant la vérité sur cette partie de son passé, la Blackthorn lui confère une confiance qu’elle n’aura jamais l’audace de sous-estimer ou prendre pour acquise.

Bientôt, il faudra qu’à son tour, elle fasse face à la réalité de son quotidien. En commençant par avoir une discussion avec Cameron. Cette simple pensée réanime les quelques petites palpitations dans sa poitrine qui s’étaient calmées en se concentrant sur l’histoire de Juliet. La peine des autres est un étrange baume.

La voir sur le départ ne la surprend pas - après tout, elle n’est pas ici pour faire la discussion - mais Joeïa a un bref instant de panique. Sans la médicomage pour la booster, comment parviendra-t-elle à aller au bout de son projet ? Aura-t-elle la confiance suffisante en elle-même pour y parvenir ou s’avérera-t-elle lâche ? Elle en vient rapidement à la conclusion qu’elle ne peut se le permettre. Pour elle autant que pour les autres.

« Je n’y manquerai pas. Je te tiens au courant. Encore… merci. Pour la présence, les mots… tout ça quoi. Bon courage pour le boulot, va sauver des vies ! »

Elle lève les poings en l’air, ses gestes marquant un enthousiasme qu’elle ne possède pas. Car la voir s’éloigner la ramène à la dure réalité de ses devoirs envers Cameron. Même envers la personne qui, bientôt, viendra la chercher pour “résoudre son problème”, comme elle l’a indiqué en prenant rendez-vous.

En repensant aux paroles de Juliet, un sursaut de courage s’empare d’elle et elle se redresse, prête à affronter ses responsabilités.


terminé pour moi

@Juliet Blackthorn