Welcome to your own personal hell ft. @Jules de Gray

18.03.2021

Froide. Sombre. Humide.
Voici les trois adjectifs que les élèves - et leurs professeurs - donnent en général à la salle de Potions, et rarement sur un ton appréciateur. Se situant dans les caves de la grande demeure abritant l’université d’Hungcalf, la pièce habitée par quelques rangées de tables et divers chaudrons accompagnés de leurs ingrédients ne paye pas de mine. Bien que sa température soit appréciable en été, elle impose le port d’un vêtement supplémentaire lors des autres saisons. Cette froideur couplée à son humidité en rend plus d’un malade, si bien que beaucoup détestent y aller.

Ce n’est certainement pas le cas d’Octave, qui y trouve un refuge plus qu’un supplice. Ces mêmes adjectifs font écho à sa personnalité profonde et il éprouve un certain réconfort à se trouver sous la surface. Pas de soleil pour l’éblouir, pas de chaleur pour l'incommoder, pas de sécheresse rendant ses mains craquelées. Il n’a jamais compris pourquoi ses camarades n’approuvent pas l’atmosphère de cette salle de cours, elle lui semble pourtant idyllique. En entrant dans la pièce, il se dirige vers son poste de travail - ni trop en avant, ni trop en arrière - et dispose ses ouvrages de potions bien à plat devant lui. Ses notes les accompagnent rapidement et il en ouvre la page au dernier chapitre abordé. Il espère à chaque cours apprendre quelque chose de réellement nouveau, qu’il n’aura pas déjà lu dans d’autres ouvrages de la bibliothèque. Bien souvent, cet espoir se fane alors que le professeur entame son cours. S’ensuit alors de longues minutes à se ressasser les mêmes informations, encore et encore, provoquant un profond ennui chez le sorcier qui ne demande qu’à expérimenter davantage.

Son esprit vagabonde, ses pensées se tordent et disparaissent pour laisser la place à leur congénères. Son regard se perd sur les visages qui l'entourent, aucun ne semblant trouver grâce à ses yeux. Certains trahissent leur ennui, d’autres leur incompréhension. Quelques-uns parmi eux semblent réellement intéressés par le sujet. Il y a les studieux et les dissipés, ceux pour qui leur présence ici n’a aucun sens ou ceux qui regrettent d’avoir choisi cette option facultative. Octave s’attarde sur les plus intéressés, pouvant être dignes de son attention. Il repère bien vite l’une de ses victimes préférées, Jules, qui paraît réellement concentré. La tentation est forte et il n’est pas certain de vouloir la contrer. Le Muller s’empare de sa baguette et décide de commencer doucement. Il attend sagement que le professeur lui tourne le dos pour lancer un “evanesco” sur l’un des ingrédients de son camarade de classe, qui se trouve à seulement une table de lui. De quoi rendre compliquée la réalisation de sa potion, n’est-il pas ? Cette idée le fait sourire alors qu’il repose discrètement sa baguette sur le bois de la table.  Il garde les yeux rivés sur le sang-mêlé, dont la confusion ne devrait pas tarder à apparaître car, en effet, le professeur leur demande de commencer la préparation de leur potion tout en suivant ses instructions. En voilà un qui va être bien embêté...

Lancer de dé sort

Bien que ma spécialité soit l’alchimie, ma deuxième matière préférée c’était les potions. Rien de bien étonnant au fond, comme je me destinais à devenir alchimiste en milieu hospitalier, je serai sûrement amené un jour à faire autre chose que des décoctions de saule lunaire ou des miroirs de tranquillité, à défaut de trouver la panacée universelle, il arrivait souvent que les alchimistes aident leurs collègues potionnistes, alors s’il y avait un remède à préparer, ils devaient savoir le faire. Et j’avais de la chance aujourd’hui, nous avions cours de potions. J’étais arrivé parmi les premiers en classe, mais je ne m’étais pas mis tout devant, pour éviter de passer pour le fayot de service, bien qu’étant chez les Lufkin c’était déjà comme ça que beaucoup nous voyaient mais qu’importe. Le cours allait bientôt commencer et j’avais hâte de découvrir la potion du jour, en espérant que cela ne soit pas un cours théorique sur l’effet de la lune sur la pousse de l’aconit, je n’étais pas contre, l’influence des astres m’intéressait toujours, mais j’avais envie de pratique aujourd’hui. J’étais plongé dans un manuel de cours, sur justement les phases de Saturne au printemps, quand le professeur commença le cours. J’avais à peine le temps de ranger mon manuel, tandis qu’il annonçait le thème du jour : le Poussos. Une potion qui n’était pas des plus difficiles, mais qui demandait tout de même d’être attentif, c’était une potion d’importance vitale, mal préparé et les os poussaient dans le mauvais sens. J’avais lu une anecdote à ce sujet d’un sorcier un peu dingue qui avait préparé du poussos et qui en avait bu pour renforcer son ossature, celle-ci s’affaiblissant l’âge avançant. Et il avait dû être hospitalisé d’urgence car la potion avait été mal préparée et il s’était retrouvé avec des os lui sortant du corps comme des épines, un vrai porc-épic. Je voulais éviter de genre de mésaventures à l’avenir, alors j’allais être attentif. J’ouvrai le manuel de potions à la page indiquée, qui comportait plus de deux pages d’instruction, une potion assez longue à préparer. J’étais allé chercher les ingrédients dans le dispensaire et j’allais pouvoir commencer la préparation de la potion.

Je voulais en savoir le plus possible sur cette potion, et même si elle demandait un protocole et des doses d’ingrédients précis, je me demandais s’il n’était pas possible de l’améliorer en lui donnant notamment meilleur goût, beaucoup de malades se plaignait que le goût était aussi horrible que la fracture, c’est dire. Vu les ingrédients je n’étais pas étonné, mais il devait bien y avoir une solution pour donner à cette potion un goût de réglisse ou de jus de citrouille non ? Je cherchais dans les annexes du manuel, ne surveillant pas mon plan de travail. Après tout, à quoi bon le surveiller, nous sommes entre sorciers civilisés, et personne n’aurait l’idée saugrenue, à l’université, de me faire une farce n’est-ce pas ? J’étais sans doute trop naïf et je ne m’aperçus pas de ce très léger pop qui s’accompagnait de la disparition d’un des ingrédients phare de la potion. Les yeux de poisson-hérisson. Il en fallait normalement trois, et l’un avait disparu. Mais le professeur avait recommencé à parler alors je ne l’ai pas vu, pas tout de suite. Ce n’est qu’au moment où l’enseignant nous demanda d’extraire avec une pince à épiler les nerfs de ces yeux de poisson-hérisson que je m’aperçus du problème. Le protocole était clair, il fallait faire sécher et moudre en poudre fine deux nerfs d’œil de poisson-hérisson et écraser le dernier en une sorte de pâte avec un peu de sang de requin. J’avais fait séché les deux premiers nerfs, mais je ne pouvais pas utiliser le dernier car il manquait un œil ! J’aurai pu aller en chercher un autre dans le local à ingrédients, mais le professeur était stricte et si je le faisais je perdrais des points. L’œil avait-il roulé ? Je cherchais partout, en dessous du manuel, à terre, parmi les scarabées ou en dessous du chou mordeur de chine qui semblait avoir encore envie de me mordre la main au passage. Rien. Je commençais à m’affoler, à transpirer et à devenir rouge, le professeur allait bientôt s’apercevoir que quelque chose clochait, bien qu’il soit en train de surveiller un autre étudiant pour le moment. Je me retourne, pour regarder au sol et là je tombe non pas sur l’œil de poisson-hérisson mais sur le regard goguenard et malaisant d’Octave Muller. Nos familles se connaissent bien, mon cousin était le meilleur ami de son frère. Mais lui et moi on n’a jamais vraiment eu d’atomes crochus. Il est trop bizarre. Par dépit, je me risque néanmoins à lui demander :

Muller, tu n’aurais pas vu mon œil de poisson-hérisson ? J’en avais trois et il ne m’en reste que plus que deux. Il n’aurait pas glissé sous ta chaise ?

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Cette potion ne lui est pas étrangère. Il s’y est déjà essayé quelques fois, dans un cadre autre que scolaire. Octave aime expérimenter toutes sortes de potions, fouiller les manuels à la recherche de créations inédites ou originales qui pourraient enrichir ses connaissances en la matière. Toujours à la recherche de plus, il a bien conscience que cela peut prendre des années et est prêt à y dédier sa vie. Pour quoi d’autre le ferait-il ?

La concoction du Poussos n’est donc pas un secret pour le jeune sorcier qui s’est déjà attelé à préparer ses divers ingrédients soigneusement. Il n’y a pas de place à l’erreur avec le Muller, on peut le deviner à son plan de travail bien organisé et propre. Néanmoins, il ne résiste pas à l’envie de pimenter un peu ce cours aux airs de répétition. Et c’est vers sa victime préférée qu’Octave se tourne. Sans nul doute possible, les Lufkin sont les plus amusants à titiller de par leur caractère très “premier de la classe” qui peut vite agacer. Ils peuvent cependant être les plus difficiles à cerner lorsqu’il s’agit de legilimencie et c’est le challenge qui attire le potionniste avant tout. Plus la personne se débat, plus il prend du plaisir à l’acte. Il n’utilise pas encore son don pourtant et se voue à une forme de méchanceté bien plus… enfantine. Voire mesquine. Tout le monde sait que le professeur n’aime pas le manque de rigueur et manquer d’ingrédients lors de la réalisation d’une potion est, pour lui, une grosse erreur. Voyons voir la façon dont réagira Jules quand il se rendra compte qu’il manque l’un d’eux à l’appelle…

Tout en jetant des regards vers lui assez insistants, il continue sa propre mixture, y prenant tout de même garde. Le but n’étant pas de dévaluer son propre travail, mais simplement d’apporter à la séance un peu de piquant. Il peut voir désormais le Lufkin partir à la recherche de son œil de poisson-hérisson, tirant un sourire malsain au Muller. Il sent la panique monter en lui et y éprouve énormément de satisfaction, alors que leur professeur arrive peu à peu à leur hauteur. Bientôt, Jules remarque le regard de son camarade sur lui et l’interpelle. S’offrent alors plusieurs choix à Octave, choix qu’ils pèsent consciemment sachant que chaque décision aura sa propre conséquence sur la suite des événements.

“Tu m’as l’air bien tête en l’air, De Gray. Ce serait bien dommage que cette petite ‘perte’ te coûte des points. Es-tu sûr de ne pas l’avoir déjà intégré à ta potion par erreur ?” Il décide de commencer par jouer le jeu de l’innocence, bien que cela ne lui aille réellement pas. Son regard trahit sa perfidie et son sourire ne laisse rien entendre de bon. Il est pourtant évident qu’il prend plaisir à voir Jules rougir de plus en plus alors que la panique s’installe définitivement en lui. Il doute d’avoir réussi à mettre le doute dans ses pensées concernant la mixture qui l’attend sur sa table, mais l’essentiel est d’essayer.

“Tu pourrais te dépêcher d’aller en chercher un dans le local. Étant donné que tu n’es pas très mémorable dans ce cours, personne n’y verrait que du feu. Mais si c’est le cas, attention à ce que d’autres de tes ingrédients ne disparaissent pas. Ah ces sang-mêlés, si désorganisés…” Il continue de lui adresser un visage bienveillant, quand ses propos suggèrent ouvertement tout le mépris qu’il peut avoir pour ce qu’il appelle “son espèce”. Octave se demande si Jules aura le culot de lui faire une remarque devant toute la classe - pire, devant leur professeur, quitte à se rabaisser lui-même. Car quelle preuve a-t-il que le Muller est responsable de cette perte ? Avec un sourire dont la satisfaction est à peine feinte, il incorpore l’élément manquant à la table du Lufkin dans son propre chaudron, le tout avec une grande dextérité.

Je cherche partout autour de moi mais je suis bien incapable de trouver ce maudit œil de poisson-hérisson qui me manque pour pouvoir préparer convenablement la recette de la potion Poussos. Et nous ne sommes qu’au début du cours, ça promet. Pourtant, je ne sais pas un étudiant tête en l’air, c’est même tout l’inverse. Les explosions que j’ai pu causer par le passé n’ont jamais été dues à des oublies ou un non respect des règles ou des procédures mais juste à des mélanges jamais tentés avant, dans le simple but d’améliorer la procédure existante. Mais je ne me permettrai jamais ce genre d’expérimentation directement en cours alors que le professeur prend de son temps pour nous enseigner quelque chose. Je commence vraiment à paniquer et à stresser et je sens comme une irrésistible envie de parler, comme à chaque fois que je suis en panique en réalité. Si le professeur  venait à me poser une question maintenant, je partirais sûrement dans une réponse sans fin, sans ponctuation, sans respiration. Maudit stress. Je ne remarque pas les regards insistants de mon voisin de derrière, inconscient que je suis de la mauvaise blague qu’il vient de faire. Après tout, nous sommes à l’université, quel sorcier mature ferait quelque chose d’aussi puéril ? Ca ne devrait pas exister ce genre de gaminerie, pas à Hungcalf. Et on ne peut pas accuser un niffleur de lui avoir volé cet ingrédient : l’œil de poisson-hérisson n’est pas du tout brillant.

Par dépit, je me résous à interrompre le Muller pour lui demander son aide, je ne veux pas me déplacer pour éviter que le professeur ne remarque mon comportement étrange, mais l’œil a pu glisser sous sa chaise. Ou pas. Il m’énerve. Je lui ai posé cette question avec politesse, et lui me répond comme tous les Grymm savent le faire : avec dédain. Il m’agace, ce qui va me faire bégayer.

Je ne suis pas tête en l’air Muller, je n’ai rien perdu, il a disparu tout seul, comme par magie. Et non, je suis parfaitement capable de pou-pou-pouvoir te dire que je ne l’ai pas déjà intégré dans la potion, je respecte à la l-l-l-lettre les consignes moi.  Tu peux faire ton malin, on dirait que ça te fait jubiler, tu as quelque chose à prouver ?

Il m’a énervé, ce qui me fait paniquer encore plus, car le professeur en est bientôt à l’étape décisive où j’aurai besoin de ce fichu œil de poisson-hérisson. Je dois être rouge de panique, et j’en vois un qui se marre bien de me voir galérer. Simple esprit de compétition ou cache-t-il quelque chose de bien pire ? Pourtant, je suis sûr de moi, je n’ai rien oublié, IL ETAIT LA !

Tu te crois meilleur que moi parce que ta famille pratique l’inceste entre cousins depuis des générations ? Désolé si je ne couche pas avec mes sœurs ou mes cousines moi. Tu dois avoir la mémoire qui flanche, je suis un des meilleurs dans ce cours, ton célèbre sang-pur doit avoir occasionné des soucis dans ton petit es-pr-pr-prit é -tétététété – triqué.

D’agacement, je sors ma baguette. Je ne sais pas encore comment retrouver cet œil. Un sortilège d’attraction ?  Oui c’est sûrement ce qui devrait le mieux fonctionner. Je murmure un Accio discret pour éviter que le professeur ne m’entende. Un scintillement, un pop, mais toujours pas d’œil. Comment est-ce possible ?

Muller, si tu as vu quelque chose, je te conseille de me le dire t-t-t-t-t-tout de suite !

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Enfin l’amusement commence, ce n’est pas trop tôt. Alors qu’il le regarde avec dédain et feint de ne pas pouvoir l’aider, il perçoit chez Jules une certaine panique qui le fait presque sourire de satisfaction. Octave en profite donc pour le rabaisser, se demandant comment réagira son camarade à ce propos, s’il se laissera convaincre qu’il a fait une erreur. Ce n’est pas le cas. Le Lufkin campe sur ses positions mais de sa panique résulte un bégaiement qui ravit aussitôt le sang-pur. C’est bien mieux que ce qu’il avait imaginé et cela le pousse à faire davantage.

“Moi ? Quelque chose à prouver ? Ce n’est pas moi qui perd des ingrédients cruciaux dans une préparation de potion, De Gray. Au lieu de t’attaquer à tes camarades, tu ferais mieux de résoudre au plus vite la situation.” Lui imposer un stress supplémentaire est tout calculé. Plus il va paniquer, moins il sera efficace et plus il bégaiera quand le professeur sera à sa table pour demander des comptes. Octave attend ce moment avec impatience mais sait qu’ils n’en sont pas encore à cette étape. Pour cela, il faut empêcher Jules de trouver une solution à son problème et le pousser un peu plus dans ses retranchements afin qu’il perde complètement pied.

Ses attaques sur le sang-pur le touchent à peine, trop redondantes et totalement fausses lorsqu’il s’agit des Muller. Ils n’ont jamais fait ça entre eux, ont toujours cherché à s’accoupler avec d’autres sang-purs d’origines différentes et cela, tout le monde le sait. Suffit-il de voir la différence d’ossature entre lui et ses cousins. Un hispanique, un grec et un chinois, est-ce que cela ressemble vraiment à du fornicage entre personnes d’une même famille ? Sûrement pas ! À se débattre ainsi comme un chaton dans une grande baignoire, il ne fait que l’amuser davantage. Cependant, il veut bien admettre une chose - quoique pas à voix haute : Jules, malgré son sang-mêlé, est plutôt bon dans cette matière. Pas autant que lui vous dira Octave, mais pas mal. C’est bien pour cela qu’il est amusant de le voir flancher. Il lui donne même matière à continuer son petit jeu.

“tétététététriqué ? Mon pauvre Jules, tout cela est purement décevant de ta part. Je m’attendais à clairement mieux. Voyons, remets-toi à la tâche ! Ou on pourrait croire que tu n’es pas si bon que ça en Potions.” Il le regarde sortir sa baguette, panique un peu plus lorsque rien ne se produit. Mais l’œil a complètement disparu et la seule solution pour y remédier, ce serait qu’avant de s’occuper du sien, Octave accepte de le dupliquer pour subvenir aux besoins de Jules. Et il veut le voir le supplier de faire cela.

“C’est que tu me donnes des ordres en plus… Moi qui allais si gentiment te proposer une solution. Non, franchement, ça me désole. Tu m’as profondément vexé, De Gray.” Il prend l’ingrédient entre ses mains, le manipule avant de le reposer. Ne quitte pas Jules des yeux. Le fera-t-il, le supplier de l’aider ? Quelque chose lui dit que non. Mais il a follement envie que cela se produise. Cette sensation que cela lui procurerait ! Voir le Lufkin ramper devant lui, comme le misérable sang-mêlé qu’il est… Il lance un dernier regard vers son camarade, se préparant à écraser la partie de l’œil nécessaire à la réalisation de la potion. Encore quelques secondes et il sera trop tard pour le dupliquer. Mettra-t-il sa fierté de côté ?

Il m’agace. Pourtant, tous les Muller ne sont pas pareils, j’ai déjà vu son grand frère Caël à de nombreuses reprises quand mon cousin Marcus et lui étaient les meilleurs amis du monde, et on peut dire que Caël était cool, même s’il était un peu impulsif et pas vraiment studieux, contrairement à moi. Mais au moins il était gentil, à croire qu’il avait échappé à ce qu’il y avait de plus mauvais dans le sang Muller et que son jeune frère Octave avait récupéré tout ce qu’il y avait de plus pourri dans les gênes. Mais je ne vais pas me laisser faire, je ne suis pas bagarreur, loin de là, je suis un pacifiste, mais il m’énerve avec son air suffisant de monsieur-je-sais-tout, un air qui ne me dit rien qui vaille, il est digne de la maison qui l’a accueilli, les Grymm sont tous des ambitieux et des roublards, comme les Serpentard de Poudlard. Il joue avec ma patience, et s’il n’avait vraiment rien à se reprocher, il ne se marrerait pas de la sorte, il est forcément mêlé à cette histoire de disparition d’œil de poisson-hérisson. Si je le retrouve et que j’apprends que c’est de sa faute, j’aurai bien envie de le lui faire avaler pour me venger, mais de une je ne l’ai toujours pas retrouvé, de deux j’en aurai besoin pour la potion, et enfin je n’ai pas assez de cran pour aller jusque là. Je commence vraiment à paniquer, car je suis sûr d’avoir pris tous les ingrédients demandés dans le local à ingrédients. Je m’énerve, je commence à l’insulter à moitié sur les mœurs typiques de ceux de son sang, mais je vois bien que ça ne le touche pas, il se croit protégé dans sa petite cage dorée le prince de pacotille. Et forcément, quand je m’énerve et que je panique, je commence à bégayer. Typique. Quand je suis intimidé je parle trop et que je suis énervé je bégaie. Et évidemment, il en profite pour se moquer encore une fois de moi. On dirait qu’il prend son pied, et ça ne fait que décupler ma rage à son encontre. Quelle petite crotte d’hippogriffe. Je ne l’écoute plus qu’à moitié, mon sortilège est un échec, l’œil a vraiment disparu. Je ne vois pas comment le récupérer. Et il y a sa voix goguenarde derrière qui me donne envie de me lever pour lui mettre la tête dans sa potion. Mais encore une fois, je suis trop calme pour ça.

Vexé ? Il est sérieux ? Il veut vraiment jouer à ça ? Me proposer une solution, non mais c’est le scroutt à pétard qui se moque du bousier ! Je ne résiste plus, je glisse un œil au professeur, à l’autre bout de la salle, penché sur un étudiant pour l’aider à dégager les nerfs de son œil de poisson-hérisson. C’est ma dernière chance. Je me lève et alors qu’Octave joue avec son dernier œil restant, je l’interrompe dans son geste en posant une main sur son poignet.

Moi je l’ai la so-so-solution. Accio œil.

Et son œil saute pour venir dans ma main. Je souris, satisfait, même si ce n’est pas très fin ni subtil, c’est même presque puéril, mais je ne voyais pas quoi faire d’autre.

Vu comment tu jouais avec tu semblais ne plus en avoir besoin. Et puis vu tes grosses paluches tu aurais écrasé le nerf. Mais tu peux me regarder faire si tu veux, ou aller en chercher un autre, puisque tu es si malin. Tu vois, la solution est toute trouvée.

Je suis fier de moi, peut-être un peu trop même. Après tout, avais-je vraiment besoin d’aller lui voler son œil ? N’y avait-il pas une autre solution ? je commence un peu à culpabiliser, je ne suis pas un méchant dans l’âme. Je lui lance un coup d’œil et soupire, je me désespère de ma gentillesse.

Bon… Nous n’avons besoin que de la moitié du nerf de cet œil. Si tu veux on partage et j’oublie ta tentative minable de me faire rater ma potion ? Après tout, sois maloin, ce n’est pas en sabotant les autres que tu parviendras à être le meilleur.

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C’est une belle satisfaction de le voir manquer son sortilège, pour la simple raison que son œil n’existe tout bonnement plus et qu’il est bien embêté désormais pour tenter d’être le pathétique petit chouchou du professeur. Octave n’aime pas particulièrement les Lufkin et Jules est un digne représentant de son espèce. En attendant, il est très amusant de le voir bégayer pour défendre sa cause et si Octave s’amuse rarement, il éprouve un certain plaisir à cet instant. Ou, disons que sa façon de s’amuser est bien différente de celle de ses congénères. Jouant avec l’œil dans sa main, il en vient à suggérer qu’il a une potentielle proposition à lui suggérer mais que sa façon de s’adresser ne lui plaît guère et peut lui coûter son cours de Potion. Que va-t-il faire, le p’tit Lufkin ? Se rebeller ou être la pathétique petite vermine qu’il est destiné à rester ? Octave regarde le comportement de son camarade évoluer, jusqu’à ce que ce dernier ait l’audace de le toucher - oui, le TOUCHER - pour s’emparer de son bien le plus précieux à cet instant. D’une seconde à l’autre, l’œil change de propriétaire, créant la fureur du démon grec. Qu’à cela ne tienne… il veut la jouer perfide, il le peut tout à fait ! Son petit sourire ne fait que renforcer sa volonté de se venger et il n’est que peu recommandé de faire naître un tel sentiment chez le Muller, qui n’a d’ordinaire aucun mal à user des pires châtiments sur ses congénères.

“Ou alors c’est toi que je pourrais écraser…” murmure-t-il, plus pour lui-même que pour Jules. Il faut dire que l’envie est plus que tentante, surtout que cela ne demanderait pas grand chose comme préparation. Quelle satisfaction ce serait de le voir en mille morceaux à ses pieds, inerte, avec pour dernier souvenir de son visage une expression de peur intense… Octave, tu t’égares ! Le cours n’est pas un moment approprié pour un tel exercice, bien qu’il lui serait facile de préparer une petite potion de son répertoire personnel pour mettre fin au “problème Jules” une bonne fois pour toute. Mais on poserait des questions, on ferait des recherches… et puis surtout, il n’aurait plus personne à martyriser. Ce serait vraiment dommage, n’est-il pas ?

Le Muller penche la tête sur son plan de travail puis fait craquer les os de son cou, se préparant déjà à lancer le sort de legilimencie pour obtenir du sang-mêlé des informations suffisantes afin qu’il soit complètement déstabilisé. Mais avant qu’il n’ait pu ne serait-ce que penser au mot, ce dernier fait preuve d’une gentillesse qui donne la nausée à Octave. Il n’y a rien de pire que cela… La question étant : accepter ou reprendre ce qui lui revient de droit par la force ? Oh, il aime la force, mais le professeur continue sa trajectoire dans leur direction et il ne leur reste tout bonnement que quelques minutes avant une inspection de leurs chaudrons.

“Qui a dit que saboter les autres était une tentative de passer pour le meilleur ?” Cela ne peut être aussi qu’un passe-temps comme un autre. Octave n’a pas réellement besoin de rabaisser ses camarades pour savoir qu’il est excellent dans le domaine des potions. C’est un fait, rien de plus. Non, s’il les rabaisse, c’est juste par plaisir ou par ennui… Tout le monde a un hobby, non ? Pourquoi n’aurait-il pas le droit d’avoir celui-ci ? Bien sûr, il ne peut pas formuler la chose de la sorte à Jules, ce serait dommage de le voir détaler comme un lapin.

“Partageons donc” reprend-il “bien qu’il me serait parfaitement aisé de te reprendre cet œil si j’en avais l’envie.” Les possibilités d’humilier Jules sont nombreuses, si nombreuses même qu’il est difficile de faire un choix parmi toutes ces options ! “L’action en elle-même n’est pas si étonnante, mais je suis surpris de voir que tu en viens à voler les ingrédients des autres. C’est moche De Gray, très moche. Tu n’as aucune preuve que je suis le responsable de ta perte, toi-même ne l’a pas vu de tes propres yeux. Mais il en est autrement pour ce que tu viens de faire… Est-ce que pour toi, être le meilleur rime avec être un voleur ?” Son regard le sonde intensément, attendant de voir sa réaction.

Bon d’accord, en fait je culpabilise totalement, je ne suis pas un mauvais garçon, loin de là, je ne me suis jamais battu, préférant de loin passer mes longs après-midi à lire et étudier dans une bibliothèque ou à nager dans les eaux clairs du lac près de l’université, même si l’eau était bien plus froide que les eaux françaises avec lesquelles j’avais l’habitude. Mais je n’étais pas un roublard, j’étais juste un gentil garçon qui se contentait de suivre ses cours avec attention et sérieux, mais perdre un ingrédient-clé pouvait me faire rater la potion et même si j’aurai pu prendre sur moi pour signaler au professeur cet oubli, je ne voulais pas faire mauvaise impression et il me fallait trouver une autre solution. Et le petit sourire goguenard d’Octave ne m’aidait pas, il m’agaçait au plus haut point, et comme toutes les marmites mises sous pression j’étais proche de l’explosion. Plus je m’agaçais, et plus il semblait prendre son pied, ce qui m’énervait encore plus, c’était un cercle vicieux. J’ai osé le toucher, plaquant son poignet contre la table pour m’emparer de son œil : mais maintenant je culpabilise. J’ai assez de force dans les mains pour pouvoir oser ce genre de geste, j’ai beau être un érudit, le jogging et la natation m’ont rendu assez carré quand même, suffisamment pour ne pas craindre une petite frappe comme le Muller. Je n’en reviens toujours pas de mon geste, mais je vois directement son regard s’assombrir face à mon « outrecuidance ». Il veut m’écraser ? bon ok, j’ai peut-être été un peu loin et je commence déjà à regretter mon geste, non pas que j’ai peur de l’étudiant en face de moi, mais je l’ai déjà dit, je ne suis pas un bagarreur, loin de là, je suis un gentil garçon. Contrairement à lui. Je suis bien loin d’imaginer ce à quoi i lest en train de penser en ce moment-même, et heureusement. Personnellement, j’ai juste envie de décaler ma table à l’autre bout de la salle de classe et de me cacher pour ne plus avoir de problème. Pourtant, je suis persuadé d’avoir agi comme il le fallait, son comportement était trop suspect pour être honnête, vraiment.

D’ailleurs sa réponse me le confirme. Il ne nie pas être à l’origine du sabotage, il se contente d’affirmer que le but n’était peut-être pas de passer pour le meilleur. Mais j’avoue que je ne comprends pas, quel pourrait être l’intérêt de faire rater une potion à un camarade à part pour être le meilleur ou pour le ridiculiser aux yeux des autres ? Et puis si c’était la seconde option, c’était une manigance digne des élèves en première année à Beauxbâtons, pas des étudiants de leur niveau. Je ne le comprends, mais c’est un Grymm, alors rien d’étonnant. Il semble d’accord pour partager, même s’il « lui serait parfaitement aisé de me reprendre cet œil s’il en avait envie ». Cause toujours oui, grand diseu petit faiseu.

Muller, si je suis dans l’obligation de faire cela, c’est parce que j’ai des doutes sur ton comportement. Tu es vil et ça ne m’étonnerait pas que tu sois à l’origine de la disparition de mon œil. Mais vas-y, si tu es aussi innocent que tu me le dis, un petit Prior Incanto sur ta baguette ne devrait pas te déranger ? Et en soi, je ne te l’ai pas volé, j’optimise les ressources, mais c’est sûrement trop complexe pour ton petit cerveau.

Je maintiens son regard, il ne me fait pas peur, pas peur du tout. Je pourrai même me prendre au jeu, je suis prêt à lui tenir tête. Enfin, pour le moment. J’attends toujours sa réponse pour le Prior Incanto, s’il n’a rien à se reprocher…

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Pourquoi nier ? Il ne dit pas être responsable, mais le contraire n’est pas non plus mentionné à voix haute. Octave aime bien jouer avec cette limite car une simple parole au détour d'une phrase n’est jamais suffisante pour l’incriminer. Jules pourrait se plaindre tant qu’il veut auprès de leur professeur, il n’a aucune preuve de ce méfait. Il pourrait y avoir quelques solutions, certes, mais elles s’excluent bien vite. Et puis, qui aime passer pour le petit intello de la salle, à dénoncer ses camarades ? Le sang impur souhaite-t-il vraiment en arriver là ? Octave lui sourirait presque tellement sa suffisance ne l’impressionne en rien. Il essaye de faire le dur face à lui mais cela n’a pas d’effet. Le Muller n’accuse aucune menace et si elles lui paraissent inoffensives, il passe par dessus avec aisance et une pointe d’amusement. Oh oui, Jules est plus qu’amusant et il s’imagine parfaitement contrôler ses émotions, comme un marionnettiste avec ses poupées de chiffon.

“Je suis vil ? Quel grand mot, et quelle faculté tu possèdes à juger tes camarades sur de fausses preuves…” Et en parlant de cela, voilà qu’il le met au défi de vérifier le dernier sort jeté par sa baguette. Cela aussi, il pourrait y remédier avec facilité. Un petit sort jeté avant que le professeur n’intervienne, et il donnerait ainsi la preuve des propos infondés de Jules. “Puis-je te signaler qu’un Prior Incanto sur ta propre baguette permettrait de faire connaître ton vol ? Car oui, tu n’avais au préalable aucune intention de partager quoi que ce soit avec moi et ton dernier sort peut le prouver. Si tu souhaites jouer à ce jeu-là, De Gray, je peux t’accompagner. Ce sera même un plaisir. La question étant…” Il profite d’un détour de leur professeur pour s’approcher davantage de l’étudiant. Il est certes plus petit que Jules, mais cela ne l’impressionne nullement. Octave sait dégager ce charisme suffisant pour lui donner les centimètres supplémentaires afin de supplanter ses adversaires.

“Es-tu prêt à prendre ces risques avec moi, Jules ?” Son visage se trouve à quelques centimètres du sien, son regard comme un défi lancé. L’étudiant sort sa baguette et la dépose dans le creux de sa main, tendue entre leurs deux corps. Le sang-mêlé pourrait, potentiellement, avoir gain de cause avec le professeur, mais quelles seraient les répercussions d’une telle dénonciation sur la vie de Jules ? Assumera-t-il d’avoir constamment une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, prête à lui rompre la nuque dès qu’Octave l’aura décidé ? Il laisse au jeune homme le temps de réaliser dans quoi il est sur le point de s’embarquer, car on ne plaisante pas avec le sang-pur. Chaque coup donné, il peut le rendre au centuple. L’envie ne manque pas, à cet instant, de lancer le sort à sa disposition pour rentrer dans la petite tête écervelée du De Gray et d’y découvrir ses souvenirs et ses peurs les plus atroces - pour, ensuite, les déchaîner sur lui jusqu’à ce qu’il le supplie de mettre fin à ses souffrances. Un corps de plus ou de moins sur les bras, quelle importance ? Surtout que ce corps-ci commence réellement à lui porter sur les nerfs…

“Coupe ce nerf en deux, De Gray. On a assez perdu de temps comme ça. À moins que tu ne souhaites devenir le premier Lufkin à avoir une mauvaise appréciation de son professeur ?” Il sait, au fond, que cela lui serait insupportable. C’est ainsi que sont les Lufkin en général, une faiblesse avec laquelle il aime bien jouer.

Il m’agace. Comme jamais un autre étudiant n’ait pu m’agacer un jour, avec son petit air suffisant, comme s’il était meilleur que tout le monde, comme si son sang-pur faisait de lui un être au-dessus des autres. J’en avais déjà côtoyé des comme-lui à Beauxbâtons, mais aucun avec autant de prétention et personne d’aussi pédant. Il m’agaçait. Je n’étais pas le genre de garçon à en vouloir aux autres ou avoir tout simplement des sentiments négatifs à l’égard de sorciers que je ne connaissais pas mais il y avait bien une exception, et elle se tenait devant moi, avec sa tête à claquer contre le mur, son sourire en coin. J’ai l’impression de n’être rien face à lui, qu’un joueur supplémentaire pour le fils à papa qu’il est. C’est comme si je pouvais dire tout ce que je voulais mais que ça ne l’atteindrait jamais. Il devait avoir appris à se contrôler, ce n’était pas possible autrement. A sa place, je ne serais pas fier d’un tel comportement, et j’aurai déjà baissé les yeux en balbutiant de piètres excuses. Mais nous n’avions clairement pas les mêmes valeurs, et pourtant je venais de m’abaisser à son niveau.

J’ai la faculté d’être un garçon honnête et loyal, moi. N’essaie pas de détourner la question. Oui je viens d’utiliser un sortilège d’attraction, mais je suis maintenant persuadé, vu ta manière de détourner les choses, que tu as quelque chose à te reprocher. Alors vas-y, sors ta baguette que l’on voit si tu es aussi honnête que tu le prétends ? Montre-moi, puisque Monsieur est supérieur à nous autres pauvres mortels.

Il se rapproche de moi, dans le but de m’intimider, mais sa taille inférieure à la mienne gâche cet effet de menace qu’il essaie d’installer. En tout cas je n’ai pas peur, j’ai déjà vu d’autres petites frappes dans son genre, et je sais que mon cousin Marcus n’en aurait fait qu’une bouchée, mais contrairement à lui je n’étais pas un garçon violent ou bagarreur. A mon grand désarroi parfois, car cela aurait permis de lui remettre les idées en place.

Tu ne me fais pas peur Muller, tu veux faire le lion mais tu n’as rien de plus qu’un caniche, alors si tu refuses toujours de me prouver que j’ai tort, je considère cela comme un aveu de culpabilité. Je suis prêt à prendre n’importe quel risque, je n’ai rien à me reprocher.

Ses yeux pourtant, ne me rassurent pas. Il me ferait presque froid dans le dos, le genre de mec qu’on évite de croiser dans une ruelle sombre et humide si vous voyez ce que je veux dire. A croire que les sang-pur avaient cette particularité de toujours donner naissance à des sociopathes dans son genre. Il m’agaçait et je commençais à perdre patience, car nous perdions du temps sur la préparation du poussos. Je pouvais encore aisément rattraper ce temps perdu mais Octave avait au moins raison sur un point, je devais bien le concéder, même si c’était à contrecoeur : je ne souhaitais pas avoir une mauvaise appréciation du professeur, son avis était important pour moi, il était le seul dans cette université à comprendre l’étendue de mes travaux et son jugement moral comptait énormément pour moi. Et puis je redoutais aussi la sanction de ma directrice de maison si je venais à attirer le discrédit sur les lufkin. J’abandonne, pourtant sa baguette est là, à quelques centimètres de moi, posée dans sa main tendue vers moi, mais je prends peur, et si j’avais tort ? Et s’il n’était pas responsable ? Pourrais-je assumer mon tort ? Et ensuite encore oser me regarder dans une glace. Je finis par baisser les yeux. Il a gagné cette bataille, mais pas encore la guerre. Je lâche son poignet et quitte ce duel de regards qui s’était installé, nos visages à quelques centimètres l’un de l’autre.

D-do-do-do-donnes-moi ça….

Je prenais le couteau à lame d’argent sur le plan de travail d’Octave pour séparer très délicatement les nerfs oculaires de l’ingrédient devenu le Saint-Graal de ce cours de potions. La précision était chirurgicale, il ne fallait pas en abîmer la moindre partie. Bientôt, en quelques coups très précis, je détachais un nerf entier, que je déposais à côté des autres ingrédients d’Octave. J’embarquais le reste de l’œil. Allais-je m’en tirer à si bon compte ? je n’étais pas encore retourné à ma table que je sentais le regard malsain du Grymm dans mon dos. Je me retournais. J’avais raison, il me fixait. Mais que me voulait-il à la fin ?

Un problème Muller ? Une autre crasse à me faire dans le dos pour espérer être le meilleur dans cette matière ?

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Il peut au moins concéder à Jules qu’il a du culot et du nerf, car tous ne s’amusent pas à se dresser contre lui de la sorte. Pas en connaissant les rumeurs qui circulent à son sujet. Octave n’est pas complètement idiot, il sait parfaitement ce que l’on raconte sur lui en sous-marin et ces ragots le font plus sourire qu’autre chose. Ils entretiennent cette peur qu’ont les autres sorciers à son égard et plus ils en ont, plus il se sent vivant. Voilà pourquoi il aimerait voir cette même peur dans les yeux de Jules et le fait de devoir batailler pour l’apercevoir rend le résultat plus grisant encore.

“Honnête et loyal, mais quel grand homme nous avons là !” Il se moque bien évidemment de lui et ne le quitte pas des yeux alors qu’il profère à son tour les mêmes menaces. Car le Lufkin peut bien dire le contraire, ses propos en sont. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’Octave ne se reproche jamais rien. Tout ce qu’il fait a un sens et il en est plutôt fier. Qu’il ait lancé ce soir ou non sur l’œil de Jules, il n’en éprouve aucun remords et il serait bien difficile pour ce dernier de lui faire ressentir une telle émotion. Il n’en a ni l’habitude ni la coutume, ne préférant pas s’embarrasser la vie. Il peut par contre se mettre en colère et le terme de caniche n’est clairement pas pour lui plaire. Si cela ne tenait qu’à lui, il saisirait le sorcier par la peau du cou et lui ferait comprendre qu’on n’emploie pas un tel mot à son égard. Histoire de lui apprendre une petite leçon. Mais la présence du professeur non loin ne lui permet pas de procéder à une telle punition et il se contente de le fixer avec insistance, allant même jusqu’à lui présenter sa baguette pour semer le doute dans son esprit. Il attend que Jules ait l’audace de s’en saisir, tout en sachant que leur tour de présenter leur chaudron ne va pas tarder et qu’un Lufkin plus qu’un autre ne veut pas risquer d’avoir une mauvaise évaluation. La solution qu’il envisageait se met en place alors que le sorcier face à lui renonce à son idée d’utiliser un sort sur sa baguette pour révéler sa fourberie. Tant pis pour lui… ou tant mieux ?

Avec un léger sourire satisfait, il lui laisse le nerf et inspecte le moindre de ses mouvements pendant qu’il prépare l’œil à l’usage de leurs potions. C’est qu’il n’a vraiment pas confiance en son habilité, vu sa façon de bégayer et il veut pouvoir prendre la relève si jamais le Lufkin fait tout de travers. Son regard ne le quitte pas pendant toute la procédure et s’il n’a finalement pas à intervenir, il n’estime pas pour autant sa technique très performante. Octave récupère sa part et se met rapidement et avec précision à mélanger ses ingrédients, le professeur ne se trouvant qu’à quelques mètres d’eux. Cela ne l’empêche pas, cependant, de garder un œil (lol) sur Jules et ce dernier doit le sentir puisqu’il finit par se tourner vers lui. Agacé ? Oh, cela ne peut que lui faire plus plaisir !

“Sur la défensive, De Gray ? Je te l’ai déjà dit, je n’ai pas besoin de te rabaisser pour être meilleur que toi. Et à ta place, je me concentrerai sur la tenue de mon chaudron plutôt que sur un camarade de classe… Tu frôles quasiment l’obsession, c’est malsain.” Il ajoute à ses mots un autre sourire plus tordu encore que ses propos. Il ne se qualifierait pas lui-même d’obsédé par Jules, mais il est vrai qu’il est très plaisant de l’avoir en victime. Sûrement une question de facilité ? Pour qu’Octave se lasse, il faudrait qu’il arrête de lui répondre… mais rien n’est moins sûr. Il arrive que, plus on l’évite, plus il veuille chasser. N’importe qui peut le dire : faire bégayer Jules en se montrant insistant avec lui est une pure satisfaction. Le voir gigoter, chercher ses mots, s’indigner… c’est très amusant. Pour le peu d’amusant auquel s’adonne le Muller, on peut au moins lui accorder cela non ?

“Tu insistes tellement sur le fait que je veuille te mettre des bâtons dans les roues que je me demande si tu ne manquerais pas tout simplement de confiance en toi et en tes capacités, si bien que tu chercherais par tous les moyens à remettre la faute sur quelqu’un d’autre. Tout ça pour avoir à justifier plus facilement tes échecs. Laisse-moi te rassurer à ce propos : oui tu es nul mais il y a pire dans la vie. Tu pourrais être nul ET stupide. Et puis tu pourras toujours te recycler en professeur de chimie pour les sorciers de première année à Poudlard !” Plutôt que d’être un maître potionniste ou alchimiste de renom et respecté pour son travail. Ah, qu’il s’amuse… Il a presque hâte de voir le petit bouledogue couiner contre lui sa désapprobation quant à ses propos.

Je ne suis pas un garçon peureux. Certes je ne suis pas bagarreur comme certains de ma famille, et on pourrait même dire que je fais figure d’exception malgré mes gros bras. J’ai peut-être le physique d’un athlète avec tous les qualificatifs qui s’y attachent, mais pourtant je suis davantage un intellectuel, et il n’y a bien qu’une bonne morphologie et des heures de natation qui me permettent de ne pas avoir un corps tout rabougri à force de traîner dans des endroits sombres ou à veiller tard la nuit pour mes recherches ou pour travailler sur un devoir qui me passionne tout particulièrement. Mais ce n’est pas parce que je suis un intellectuel que j’ai peur des autres, et ce ne sont pas les rumeurs sur ce Muller qui vont m’impressionner. Les Muller, ça pullule à Hungcalf, mon cousin était le meilleur ami de l’un d’entre eux, alors je n’ai pas particulièrement peur quand Octave s’en prend à moi, tout au plus il m’agace, parce que je suis non violent alors il sait que j’aurai mes propres limites dans la confrontation. Je ne cherche jamais l’affrontement, je peux y répondre, mais je n’irai jamais me battre, et ça il le sait, alors il en profite, il sait comment profiter de mes faiblesses et de mes remords contre moi, à croire qu’il est parfois capable de lire dans mon esprit et je serais à peine étonné si c’était vrai, tellement les rumeurs qui courent à son sujet son folle. Je le laisse se moquer de moi, ça ne me touche pas. Je n’ai pas besoin de sa reconnaissance pour savoir ce que je vaux, et d’ailleurs je n’ai jamais agi pour être considéré d’une certaine façon par mes pairs. Mes actes ne sont pas intéressés, mais c’est sûrement quelque chose qu’il est incapable de comprendre. On n’agit pas tous dans un but précis, c’est possible parfois de simplement agir au nom de ses valeurs, mais je n’ai pas de temps à perdre à le lui expliquer.

Ses yeux ne me quittent pas, et je trouve cette sensation horriblement dérangeante. Il y a une sorte de perversité ou plutôt de perversion qui ne me rassure pas, comme si quelque chose clochait dans son esprit, ou qu’il imaginait une nouvelle manière pour me pourrir la séance de cours. Je ne le comprends pas, et en même temps pourquoi chercherais-je à le faire ? J’aperçois tantôt un appétit étrange dans ses yeux ou au contraire une colère sourde à laquelle je n’aimerais pas assister si nous étions seul à seul. Il ne semblait pas être le genre de sorcier à se battre à arme égale. J’ai de la chance, nous sommes en cours, et même si la disparition de mon œil m’a handicapé, j’ai trouvé une solution pour m’en sortir, sans que le professeur ne s’en aperçoive. Un miracle. Je finis de séparer les deux nerfs optiques de l’œil en question et donne son « dû » à Octave. Car je suis réglo, moi. Je sais bien que mes gestes étaient précis, mais il me surveille. Désagréable, la prochaine fois je ferai en sorte de me mettre loin de lui et de son regard étrange. Je me retourne fréquemment sur lui et à chaque fois, il me fixe. Il a un problème ou quoi ? je me sens presque agressé par ce regard, alors je lui lance une pique. Il n’attend pas pour réagir. Je fais une grimace. Il m’agace, à un point inimaginable.

Le seul obsédé ici c’est toi, à me fixer depuis tout à l’heure. Occupe toi de ton propre chaudron, il semble prendre une couleur anormale.

Je me retourne vivement, avant qu’il n’ait le temps de vérifier, car en vérité c’était surtout une façon de détourner son attention. Je continue la préparation de mon côté, mélangeant la mixture dans le sens horaire le nombre de fois demandé, concentré au possible. Le professeur s’approche de nous, avec un œil spéculateur, il regarde, petit mouvement de tête avant de repartir dans l’autre sens. Nos chaudrons semblent lui convenir. Nous avons beau nous chercher des poux, il faut avouer qu’Octave et moi comptons dans les meilleurs étudiants de la classe. Même si l’un comme l’autre sommes incapables de reconnaître une telle qualité à l’autre bien entendu.

Si je suis si nul que cela, et si stupide, pourquoi donc perds-tu ton temps avec moi ? Concentre-toi sur ton plan de travail ou sur quelqu’un de véritablement intéressant non ? Tu manques à ce point d’un public ou d’attention que tu te sens obligé d’harceler tes camarades ? Je te pensais plus intelligent. Je suis déçu.

J’ai dit ces mots sans le regarder, mais j’imagine très bien son regard fulminant, prêt à me pulvériser sur place. J’ai un léger sourire, je suis content de ma remarque, et surtout, de l’avancée de ma potion : elle prend une très légère teinte bleue, ce qui veut dire que les étapes ont été respectées. J’en viens à réduire en poudre de nouveaux ingrédients, tout en baissant le feu du chaudron. Mais cette fois, j’ai appliqué un léger charme du bouclier autour de mon plan de travail de façon informulée. On n’est jamais trop prudent.

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Un regard suffit bien souvent à obtenir l’effet escompté. Octave n’est, d’ordinaire, pas un bavard et il réfléchit - puis agit - plus qu’il ne discute. Et quand il le fait, ses mots sont consciemment pesés afin de transmettre au mieux le message qu’il a à faire passer. Rien n’est laissé au hasard et s’il a décidé d’embêter l’un de ses petits camarades, rien ne pourra le faire changer d’avis. Car en plus d’être un tortionnaire, il est légèrement borné… Ce qui donne un combo plutôt explosif, en règle générale. Donc Jules peut bien l’incendier, l’appeler par tous les noms possibles, il ne lâchera l’affaire que lorsqu’il l’aura décidé. Octave n’est pas homme à suivre les ordres des autres. En général, c’est lui qui les donne… Sa seule tolérance en la matière concerne les professeurs car il n’a, pour le moment, pas d’autre choix que de feindre le respect et d’appliquer leurs demandes. Mais dieu sait qu’il s’imagine bien souvent les ignorer pour n’en faire qu’à sa tête !

L’attaque de Jules le fait sourire et il n’a même pas besoin de baisser les yeux sur son chaudron pour savoir que le contenu de ce dernier a exactement la couleur et la consistance qu’il est censé avoir, à cette étape de la potion. Tentative pour le Lufkin de détourner son attention, mais comme dit précédemment, quand Octave a une idée en tête, il ne l’a pas ailleurs. Il finit par baisser les yeux sur sa préparation, à la seconde exactement, insère un nouvel ingrédient pour rendre le mélange bien plus harmonieux. C’est l’instant que choisit leur professeur pour, enfin, arriver vers leurs tables et il n’a aucune remarque à faire au Muller, ce qui ne diffère pas des cours précédents. Octave est rarement à la traîne dans ce domaine, voire jamais et si son comportement peut agacer le corps professoral, ses membres sont bien obligés d’admettre que le sorcier semble toujours savoir ce qu’il fait. La jalousie…

“Qui a dit que tu étais stupide, à part toi à l’instant ?” Il feint l’ignorance, bien que ce masque ne lui aille vraiment pas. Jules peut dire ce qu’il veut, il se retrouve constamment à lui répondre, à relancer les rouages de la machine et c’est bien cela qui intéresse Octave. Au lieu de simplement l’ignorer, il continue de répondre à ses petites piques, et ce de la même manière. Comme s’il ne voulait pas voir cet échange s’arrêter. Au risque que le petit Lufkin retombe dans l’oubli ? Peu de personnes doivent s’intéresser à lui à vrai dire et étant donné qu’il traduit le comportement du Muller comme de l’intérêt, il fait probablement tout ce qui est en son pouvoir pour que ce dernier ne s’évanouisse pas.

“Donc, si je comprends bien, tu t’estimes aussi stupide qu’inintéressant ? On peut dire que ça a le mérite de ne pas être totalement à côté de la plaque, mais certains diraient que tu es un peu trop dur avec toi-même. Pas moi, que l’on s’entende. Je ne fais rien pour le public, ou pour l’audience. Et je ne cherche certainement pas ton approbation ni celle des autres. Tout ce que je fais, c’est pour moi et moi seul, je pense que tu t’en doutes. Oh, je te vois venir avec les grands mots. Egoïste, c’est ça ? Egocentrique ! Ah, que de vocabulaire…” Il n’est pas moins satisfait de la tournure des choses. Cela ne paraît peut-être pas au premier abord, mais Octave s’amuse actuellement ‘comme un petit fou’ ! Et, de son point de vue, cet échange est très divertissant. Mais pas étonnant qu’il n’en soit pas de même pour son camarade, il a rarement rencontré quelqu’un qui puisse avoir les mêmes goûts que lui pour ce genre de pratique…

Cet échange m’agace. Profondément, et pourtant c’est comme si une attraction mystérieuse m’interdisait de simplement ignorer cet échange, comme si mon ego que je pensais pourtant inexistant s’imposait à moi pour lui répondre, encore et encore, alors même que le bavardage m’exposait à une sévère réprimande de la part du professeur. C’était sûrement son air de monsieur je sais tout et de condescendance qui me poussaient à toujours lui répondre. Pourquoi donc fallait-il qu’il y ait des étudiants comme ça, qui ne trouvent rien de mieux à faire que d’enquiquiner leurs camarades ? Surtout que nous étions à l’université, je me serais donc attendu à davantage de maturité de la part de ces dits-camarades, mais pourtant non, j’étais semble-t-il devenu le souffre-douleur de ce Grymm. Il faisait partie de ces gosses de riche de sang-pur. Je n’allais pas trop me plaindre, une partie de ma famille était elle-même sang-pur, j’étais à vrai dire une des exceptions, mais nous n’avions pas cette culture extrême de la pureté du sang, ou en tout cas pas de manière aussi exagéré. Et j’avais vite remarqué qu’à l’inverse de la France, la Grande-Bretagne comptait encore de nombreuses familles se pensant au-dessus des autres du fait de la pureté de leur sang, et Octave Muller faisait bien entendu partie de ces familles que certains disent dégénérés. Pas moi, je ne suis pas assez méchant pour penser de telles choses, même si parfois je me demande bien pourquoi il se montre si cruel avec les autres. Cela doit sûrement avoir une explication psychologique, je ne vois pas d’autres raisons. On ne peut pas sainement aimer faire du mal aux autres, surtout mentalement. Non, il avait un problème, c’est sûr, mais moi aussi j’en avais un : je ne cessais de lui répondre, et même parfois je renchérissais, comme si je n’en avais pas eu assez. Si seulement j’avais pu me donner une claque sans avoir l’air idiot. Quoiqu’aux yeux de certains je devais déjà avoir l’air bête à réagir de manière aussi puérile avec lui. Et le pire, c’est qu’il me prenait au piège avec mes propres paroles…

Je bougonne. Mais cette fois je ne réponds pas immédiatement, enfin finalement si, je ne peux pas m’en empêcher. C’est qu’il m’agace tellement. Qu’est-ce que j’ai bien pu lui faire pour qu’il choisisse de faire de moi sa victime pendant ce cours ? Il ne pouvait pas s’en prendre à quelqu’un d’autre ? Car en plus il avait raison, il n’avait pas dit que j’étais stupide, juste nul. Et que j’aurai pu être nul ET stupide, mais que je n’étais que nul. Je creusais ma propre tombe à croire. Comme disait ma mère, il faut toujours tourner 7 fois sa louche dans la marmite avant de boire la soupe. Je n’en peux plus, alors je romps mon vœu de silence pour rétorquer :

En tout cas ce que je remarque, c’est que je n’ai pas besoin de te qualifier, tu sais déjà que tout ne tourne qu’autour de ta petite personne. Un tel ego doit cacher de terribles faiblesses. On dit souvent que ceux qui exhibent leur meilleur balai cherchent à cacher d’autres faiblesses physiques ou mentales. Tu es en train de me le confirmer. Tu as donc volé mon œil de poisson-hérisson pour toi et seulement pour ton propre plaisir. Tu es bizarre. Bref, j’ai autre chose à faire qu’à déblatérer. Ma potion est bien plus intéressante que toi.

Oui bon en soi, je me fais violence à moi-même, car continuer ce petit échange pour déterminer qui a raison – moi bien entendu – ne me dérangeait pas, mais j’avais une potion à terminer et je ne voulais surtout pas lui donner la satisfaction de penser qu’il était au centre de mon attention. S’il avait été plus sympathique, plus bienveillant, peut-être que je me serais intéressé à lui, mais là il m’agaçait. Et il exultait de voir mon agacement, ce qui était d’autant plus exaspérant.

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Jules a bien raison - ou du moins, ses pensées sont correctes. Lui répondre - tout comme ne pas le faire - ne fait que l’enhardir dans son envie de l’embêter. À vrai dire, il n’y a rien que le De Gray puisse faire qui changerait la situation. Bouder, maugréer, ou le maudire dans sa tête. Quand Octave a une idée en tête, il ne l’a pas ailleurs. Bien sûr, il se demande pourquoi Jules ressent tant d’urgence à le contrer, encore et encore, tout en sachant qu’il n’a aucun moyen de gagner. Est-ce qu’il aimerait ça, par hasard ? Se faire rabaisser ? Humilier ? Chambrer ? Tant d’adjectifs pour si peu de temps restant. Il pourrait continuer ce petit jeu pendant encore longtemps, si cela ne tenait qu’à lui. Mais le professeur passe entre les rangs et, en tant qu’excellent élève de potions, il ne peut pas compromettre sa position auprès de cette personne dont la lettre de recommandation, dans le futur, lui ouvrira certainement plus d’une porte. Ou du moins, celles que sa famille n’aura pas déjà forcées. Être un bourreau mais faire profil bas, voilà son objectif.

Jules fait le raccourci selon lequel il faut être forcément faible pour avoir un tel ego, mais Octave n’a pas la même vision des choses. Il ne se trouve pas une seule faiblesse et c’est cette réalisation qui lui permet de se qualifier lui-même comme un égocentrique. N’est-ce pas plutôt une force de savoir le reconnaître ? Il n’est pas dupe, il connaît ses travers. Mais il préfère encore les voir comme une bénédiction plutôt qu’un mal. S’en servir plutôt que de les subir, comme tous les autres le font continuellement. Pauvres pathétiques brebis sans défense…

« Pour quelle autre raison quelqu’un ferait-il cela ? Sans pour autant admettre que c’est de ma faute. Je n’y suis absolument pour rien, dans cette mésaventure qui est la tienne. Tu manques d’attention aux détails, cela te jouera des tours. » Est-il fâché d’être qualifié de “bizarre” ? Non. Les autres le sont, à ses yeux. Lui, il est tout à fait normal. Clair et sain d’esprit, comme l’on peut dire.

« Vu comme tu es parti, elle n’est même pas plus intéressante que l’abruti qui te sert de partenaire de table… » Il n’a jamais dit qu’il ne mentirait pas. Au contraire, il préfère le faire pour déstabiliser Jules et faire en sorte qu’il échoue. Cela a peu de chances d’arriver, mais l’essai se tente. Il y a une chose vraie, cependant : celui qui est en duo avec le De Gray dans les exercices de groupe est un vrai nul. Il est encore en train de le prouver en faisant virer sa potion à l'arc-en-ciel ! Octave a un léger soupire exaspéré, n’est-il pas possible d’être entouré par de brillants esprits comme le sien plutôt que par ces larves ? Il se demande si Hungcalf, en acceptant les sang non purs ou sorciers, ne serait pas en train de faire baisser son propre niveau d’excellence. Bientôt, ce sera une université de seconde zone…

Je ne suis pas un bagarreur. Mais comme tout français, j’ai mon honneur. Et quand un mec comme Octave s’en prend à moi, je ne me laisse pas traiter en victime aussi facilement, surtout dans une matière que j’aime autant, les potions. Certes, je ne me destine pas à la maîtrise des potions, je préfère de loin l’alchimie et son travail solitaire, dans un cave humide, avec comme seul échappée vers l’extérieure une lucarne ou une fenêtre où les astres peuvent dissiper leurs rayons enchanteurs. Et au moins, dans mon atelier, je n’ai pas de Muller en train de me voler un ingrédient ou un outil. Ainsi, tel un chevalier digne de l’époque la plus digne de la noblesse, je me défends. Mais lui s’acharne. Et forcément, dans mon humanisme et mon idéalisme, je n’imagine pas qu’être aussi vil qu’Octave puisse être une façon pour lui de se sentir puissant. Avoir le contrôle ne se résume pas à mépriser ou dominer les autres, se contrôler est le plus grand des contrôles, en tout cas il s’agit de mon avis, et je garde toujours le contrôle sur mes nerfs.

Ecoute Octave, je ne vois même pas l’intérêt qu’un homme normal, équilibré, pourrait avoir à voler comme ça un ingrédient à son voisin de table. La gaminerie, la bêtise simple, ou juste un manque de virilité qu’il essaie de combler par sa vilenie. Tu te sens fort concerné pour quelqu’un qui n’y est pour rien je trouve.

Il m’agace, mais au fond je ne sais même plus quoi lui dire. J’aimerais avoir des preuves à lui avancer, mais je n’ai rien et pourtant j’ai l’intuition profonde qu’il est le coupable derrière tout ça. Il cherche à me déstabiliser, mais cette fois je ne me laisse pas avoir et c’est sans lui jeter un regard que je lui réponds.

Plutôt que de te préoccuper de mon chaudron, préoccupe-toi du tien, il me semble que ton feu est un peu trop fort. Ce serait dommage de faire brûler ta potion n’est-ce pas ? Mais si tu te crois si bon en potions, en tout cas meilleur que mon partenaire, peut-être est-ce avec toi que j’aurai dû me mettre en binôme ? Quoique, je préfère les personnes intéressantes aux flagorneurs. Fallait le dire que tu étais jaloux et que tu voulais juste travailler avec moi pendant le cours. Je ne mords pas tu sais.

Bon, ma tentative peut paraître gamine, mais j’essaie de me mettre à son niveau. Il cherche à chatouiller mon ego, chatouillons le sien. Mon cousin m’a toujours dit qu’il ne fallait pas courir mais plutôt faire courir les autres. Bon d’accord, lui il parlait de filles et non pas d’un sorcier en cours de potions. Mais peut-être que ça peut marcher également. Néanmoins, Octave a raison, et je donne deux trois conseils à mon voisin de table pour qu’il rattrape sa potion avant qu’elle ne produise des bulles de savon. Tout était une question d’équilibre, et avec mon aide, sa potion revient vite à la normale.

Welcome to your own personal hell ft. @Jules de Gray

Le revoilà sur le manque de virilité, à croire qu’il cache lui-même un problème sous-jacent. Sa façon de faire des raccourcis sans valeur lui semble purement pathétique. Essayer de qualifier un comportement par son taux de testostérone n’a, à son sens, pas lieu d’être. Pourquoi ne pourrait-il pas prendre du plaisir à piéger les autres sans que ça n’ait de liaison avec sa virilité ? Celle-ci va parfaitement bien et s’il n’avait pas plus de retenue, il ne s’empêcherait pas de le lui montrer. C’est à se demander où le jeune De Gray a appris à débattre. Sûrement dans le bac à sable, avec des moldus…

« Tu dois avoir un sacré problème pour toujours en revenir à ce sujet. Probablement symptomatique, tu ne penses pas ? » Il y a une différence entre se sentir concerné et profiter de la situation à son avantage. Ou son plaisir. Cela ne fait que l’amuser, rien de plus. Il n’y a parfois pas besoin de chercher plus loin que ce qui se présente devant nos yeux. Octave n’a jamais cherché à expliquer par a+b les raisons de son comportement, car elles l’indiffèrent. Il est tel qu’il est et ce raisonnement, peu de personnes peuvent l’assumer. S’il ment à ce sujet, c’est uniquement pour piéger ses congénères, non pour se piéger lui-même. Ou se rassurer. Ses parents ont déjà tenté de lui faire voir un psy et, étrangement, les visites se sont rapidement écourtées. Octave n’en a jamais été à l’origine…

Il est acculé, c’est perceptible. Il raconte même n’importe quoi, s’embourbe dans sa volonté de lui rendre sa méchanceté, sans y parvenir. Jules se fait juste du tort à lui-même et il trouve cela hilarant. Bien sûr, cette hilarité ne s’affiche pas sur son visage. Ce serait une première. C’est avec sérieux que le Muller le regarde, comme s’ils discutaient de l’issue d’une prochaine guerre mondiale.

« Être en binôme avec moi se mérite, mon cher. Mais continue, tu pourrais peut-être y parvenir. D’ici quelques années. » Un rare sourire apparaît sur son visage alors qu’il tourne son regard vers son propre chaudron. Non, rien ne brûle. Tout ça, c’est du pur détournement d’attention et il s’en doutait. Octave n’a jamais eu aucun doute sur ses propres performances. Il n’a jamais brûlé une seule potion - du moins, pas involontairement.

« Mais tu sais quoi ? Je vais être bon camarade. Je plaiderai ta cause auprès du professeur pour que tu puisses passer la prochaine séance en tant que mon binôme, pour gonfler un peu ta note d’évaluation de fin d’études. De rien. » Jules allait regretter d’avoir voulu jouer à ce jeu-là avec le Muller. Être son binôme est bien plus atroce que d’être un simple camarade de classe qu’il embête de temps en temps. Le sorcier est impitoyable en ce qui concerne ses études. Suffit-il de demander à celui qui se tient à ses côtés, tremblant à l’idée de faire la moindre erreur. D’ailleurs, il n’en fait pas, c’est bien la preuve que son traitement fonctionne. La peur peut mener à l’excellence, nul besoin d’être constamment gentil avec tout le monde. Il sait que sur ce point, De Gray soutiendra fortement le contraire, mais il n’y a pas débat pour Octave. Il gagne toujours. Et il se fera un plaisir de briser Jules lorsqu’il sera son binôme.

« Promis, tu vas adorer. »

Un problème ? Mais bien entendu que j’ai un problème, et mon problème c’est lui, il n’a toujours pas compris ? J’ai eu la chance de grandir dans un environnement bienveillant, mes parents m’ayant appris les bonnes valeurs à défendre, même si mon père était issu d’une grande famille de sang-pur et non ma mère. J’ai toujours appris à respecter les autres, et en soi j’aurais pu être une victime facile, mais mon cousin m’a vite appris à ne pas me contenter de tendre la joue. Surtout avec ma carrure. Alors même si j’étais gentil et respectueux, je savais être plus dur avec ceux qui ne me respectaient pas, et le Muller en faisait partie. Il avait un tel besoin de se sentir supérieur, c’est fou. Il n’a donc jamais appris que la supériorité s’acquiert et ne s’impose pas ? Tout comme le respect ?

Je n’ai pas de soucis à vouloir montrer ma supposée supériorité. Si je suis plus fort qu’un autre, la vie suffira à le montrer. Descendre le concurrent ou trafiquer son plan de travail n’est pas nécessaire. Si tu as besoin de tricher pour être le meilleur, c’est sans doute que tu ne l’es pas.

Il m’agace, et j’en viens à scruter les mouvements d’aiguille de l’horloge pour vite le fuir, non qu’il me fasse peur, mais il m’énerve. Comment peut-on être aussi inutile ? Il se sent supérieur et central, alors qu’en fait, je n’en ai rien à faire de lui, et je ne lui aurai même pas accordé un seul regard si seulement il ne m’avait pas volé cet ingrédient. Oui parce que maintenant j’en suis persuadé, il m’a volé cet œil. Ca ne peut être que lui. Et cela va au-delà de la mauvaise blague, il y a une intention de nuire.

Qui te dit que j’ai simplement envie d’être en binôme avec toi ? Même par pitié j’y réfléchirais à deux fois.

Et je suis sérieux, vu son ton impérieux et pédant, ce serait une corvée pour moi que d’être en binôme avec lui, même s’il n’a pas l’air trop mauvais. Mais il est trop insupportable. Pour travailler en binôme il faut savoir travailler en équipe et prendre sur soi, deux choses que semble incapable de faire l’autre étudiant. Mais lui ne semble pas l’entendre de cette oreille. Mieux vaut en rire ou en pleurer ? Je grimace déjà en tout cas. S’il pouvait seulement se taire, ça serait déjà un miracle, mais pour sûr il fera tout pour le déconcentrer. Comme d’habitude. Je me retourne, après avoir ajouté le dernier ingrédient. La potion était bientôt prête et je l’avais réussie parfaitement, malgré le croche-pied de l’autre.

Mais si je suis aussi nul que tu le dis, tu n’as pas peur que je fasse descendre la tienne. Mais tu sais, pas besoin de te donner la peine de me réclamer, si tu veux que je bosse avec toi, il suffit de me le demander. Tu sais, comme un être civilisé.

Welcome to your own personal hell ft. @Jules de Gray

« Et que fais-tu du plaisir ? » Il s’est penché vers lui sans même le réaliser. Cet échange de répartie attise sa curiosité envers Jules, bien qu’il ne devrait ressentir pour lui que du mépris. C’est le cas, la plupart du temps. Mais le gus se faisait un devoir de le défier et Octave trouve cela bien plus intriguant. Qu’est-ce qui le pousse constamment à lui renvoyer ses paroles à la figure ? Par quoi est-il motivé, si ce n’est la rancœur et la colère ? L’envie de le dépasser, quand il n’a pour sang que celui des mêlés ? La chasse s’avère sanglante et le Muller a conscience qu’il joue avec le feu. Un feu qui se débat, cherche à le brûler des pieds à la tête. Chaque pique qu’il lui lance est destinée à le blesser, mais Octave fait peu état des sentiments, surtout des siens. S’il en prenait compte, cela ferait bien longtemps qu’il se serait donné la mort face à toutes les pensées atroces qui le traversent chaque jour. Il a choisi il y a bien longtemps de se fermer à ces émotions néfastes qui ne font qu’empiéter sur son ambition. Une fois détaché d’elles, il s’est rendu compte qu’il a bien plus de potentiel qu’on ne veut lui en prêter. Sûrement est-ce la suffisance qui le fait réagir ainsi, mais il ne peut concevoir que Jules refuserait un binôme avec lui, surtout en cours de Potions. Il faudrait être fou pour renier son expertise en la matière et les bienfaits de son apprentissage. Il a des conseils avisés et une capacité créative exceptionnelle - tout ce qui lui manque réellement, c’est la manière sociale de les exprimer. Souvent, cela passe pour du mépris ou de la condescendance - et ça l’est. Contrairement à d’autres dans cette salle, il ne cache pas son dépit face aux capacités de ses semblables.

« Tu voudrais essayer de toutes tes forces que tu ne le pourrais pas. Ne joue pas à ce jeu avec moi, De Gray. Tu serais surpris du résultat. » Il s’autorise alors un franc sourire, de ceux qui font apparaître sur son visage deux fossettes bien marquées, et que peu ont le loisir de se vanter de connaître l’existence. Il pourrait faire ça encore plusieurs heures, l’énergie ne manque pas. Il en a toujours pour perturber son entourage. Mais le professeur, après avoir jaugé les potions, termine son tour des tables et retourne à son bureau. Le cours touche bientôt à sa fin mais cela n’inquiète pas Octave outre mesure. Il s’avère que Jules a le même cursus universitaire que lui, donc il aura bien le temps de reprendre cette petite joute verbale en Runes, ou encore en Botanique - option qu’ils possèdent tous les deux.

Mais le mec se penche vers moi en plus. Comme si ses gestes acides et perfides n’étaient pas suffisants, voilà qu’il empiète sur mon espace vital. Et pourtant, je n’ai pas forcément envie de le repousser, vous savez comme ces hosties avec du sucre à l’intérieur légèrement acides, qui dans un premier temps sont désagréables en bouche mais finalement vous en prenez un deuxième, un troisième, avant de finir la moitié du paquet sans même vous en rendre compte. Au fond, c’est peut-être pour cela que je continue de répondre à chacun de ses « mots d’esprit ». Même s’il m’agace profondément, le fait qu’il insiste me donne également envie d’insister, comme si lâcher, abandonner et lui laisser le dernier mot signifierait qu’il a gagné la partie, une chose à laquelle je ne peux pas me résoudre. Je ne veux pas qu’il puisse penser un seul instant qu’il a gagné, qu’il peut se permettre d’insulter et de chercher les autres sans que personne ne lui tienne tête. Même si je ne suis pas un bagarreur, j’ai quand même cette fougue et cet honneur typiquement français, je ne peux m’en défaire, sur ce terrain-là je suis très proche de ma mère, qui a dû subir les mêmes brimades de pétasses sang-pur à son époque. Aujourd’hui c’est mon tour, et la pétasse c’est Octave Muller. Je me demande encore comment mon cousin pouvait être ami avec le frère de cet énergumène, sans doute étaient-ils bien différents.

J’essaie de rentrer dans son jeu pour le doubler mais mes mots n’ont quasiment aucun effet, en tout cas en apparence. L’idée même de former un binôme avec lui provoque un étrange sentiment de dégoût et d’attraction. Je ne doute pas de ses compétences en art des potions, même si lui ne se gêne pas pour douter des miennes alors qu’il faut forcément avoir une certaine compétence dans ce domaine pour maîtriser l’alchimie comme je le fais. Tiens, ça serait intéressant d’ailleurs, concentrer l’émotion que je ressens en cet instant précis dans un cristal alchimique pour l’étudier par la suite. Même si je tente désespérément de filtrer et d’obtenir des sentiments purs, ce conglomérat de sentiments partagés serait intéressant à étudier aussi. J’y penserai plus tard dans la soirée, il me suffirait de repenser à cet échange.

Ne te crois pas toujours supérieur aux autres, tu finiras pas te brûler les ailes comme Icare et à t’aplatir au sol sans le voir venir. Allez, j’ai mieux à faire que ça.

En effet, le cours touchait à sa fin, les potions étaient terminées et j’étais particulièrement réussi de la mienne. J’adresse un mot d’encouragement à mon binôme qui n’a pas eu un aussi bon résultat, et lui propose d’aller manger un bout dans la grande salle. Je ramasse mes affaires alors que la salle se vide lentement. Je quitte celle-ci, le sac sur l’épaule. Un dernier regard pour cette ennemi adoré. Et je m’en vais.