Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Trop.
Juste… beaucoup trop.
À penser, à vivre. À supporter. À encaisser.
Trop d’informations, de mensonges et d’évidences.
Trop de tout, de rien. Il n'en pouvait plus. Maximilien en était arrivé à un stade où plus rien ne lui semblait surmontable. Les nerfs à vif, le cœur en peine, l'âme perdue. Bien souvent depuis quelques semaines, il s'imaginait fermer les yeux pour ne plus jamais les rouvrir.
Oui, ces pensées revenaient. Elles avaient fini par disparaître grâce à Lui et aujourd'hui, il était la cause de leur retour. Pouvait-il seulement le blâmer ? Le Français se savait trop naïf. Trop désireux de ne voir que le beau chez les autres. D'accorder plus d'importance à ce qu'ils ont à offrir, plutôt qu'à ce qu'ils sont susceptibles de lui voler.

Un vide absolu le consumait. Pendant un temps, il avait espéré que la rentrée universitaire suffirait à lui faire se changer les idées, à lui tirer la tête hors de l'eau. Mais une fois là-bas, il n'y avait que les regards, les chuchotements. Il avait oublié qu'il faisait partie des quelques sang purs à avoir déposé des oreilles d'elfes sur les oreillers de sang-mêlés. Le fait que ça ait été contre son gré ne semblait pas rentrer en ligne de compte, chez certains de ses camarades. Et voilà que la culpabilité refaisait surface. La honte avec elle.

Ce matin-là avait été plus difficile que tous les autres. Au détour d'un couloir, le destin, amer et brutal, l'avait mis face à face avec  @Peter Drummond . Leurs regards seraient croisés. Son cœur s'était fané. Maximilien avait dirigés ses pupilles vers le sol et l'avait contourné. Son parfum fit se tordre chaque partie de son être tout entier. Les souvenirs étaient les plus cruels. Ceux de son sourire, de ses douceurs et de ses caresses. Il n'en voulait plus.

Stop.
La fiole avait tremblé dans sa main. Longtemps, il l'avait regardée. Elle l'appelait, lui faisait mille promesses. Celles de se sentir bien, d'oublier. D'être de nouveau normal. De ne plus vivre dans la peur de ses sentiments.
Ne pas dépasser le dosage.
L'aigle sembla vouloir l'en empêcher, mais il ne l'écoutait pas. Après tout, c'était de sa faute s'il ne pouvait plus avoir le moindre sentiment sans risquer la vie de ses camarades. Sans risquer de passer pour un monstre de foire.

La fiole se vida. Le liquide coula le long de sa gorge. Il ferma les yeux.
Étrangement, il n'eut pas mal. Tout se fit en douceur, comme un endormissement. Il se laissa tomber au sol et ne pensa plus à rien.
Il oublia.
Il n'espérait qu'une chose : revoir son frère.

Quelques minutes plus tard, des Summerbee trouvèrent son corps inerte dans leur salle commune, allongé devant l'immense cheminée. En un rien de temps, il fut conduit à Sainte-Marie et lorsque le brancard passa la porte des urgences, il était pâle, encore inconscient et marqué par les traces de son overdose désastreuse.

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Le plus difficile n’était pas de partir. Bien au contraire, tout semblait s’être fait en douceur, comme si toutes les planètes avaient décidé de s’aligner pour qu’il accomplisse son destin. La décision s’était imposée d’elle-même, comme une évidence. Il avait l’arme suffisante pour atteindre ce but et il n’y avait personne dans l’enceinte du dortoir Summerbee pour venir mettre à mal l’exécution de son plan.
Se jeter à l’eau n’avait pas été compliqué. Ce n’était pas comme s’il n’avait pas ces pensées dans la tête depuis des années. Qu’il ne vivait pas avec quotidiennement, se battant contre elle chaque jour pour les repousser dans un coin de son cerveau afin de paraître plus “normal”. Plus joyeux. Elles avaient fini par quitter leur prison pour l’envahir et annihiler toute raison d’être. Son comportement lâche avec Peter deux jours plus tôt, pour son anniversaire, n’était qu’une faible excuse pour justifier cela. Le passage à l’acte lui pendait au nez depuis bien longtemps et Maximilien y cédait enfin.

Donc non. Partir n’était pas le plus difficile. Revenir, l’était. Il avait imaginé des tas de fois ce qu’impliquerait de laisser son corps à l’abandon. Il pensait à ce monde qui l’attendait, un monde que personne ne soupçonnait et où son frère se trouvait, l’attendant depuis toutes ces années avec patience. Et l’espace d’un instant, alors que les urgentistes sorciers fonçaient en direction de l’hôpital, il entraperçut ce monde si précieux et impensable qui l’appelait, les bras tendus. Le jeune Leroy était là, plus vivant que jamais et sa main voulut attraper la sienne. En vain. A chaque fois qu’il pensait y parvenir, ses doigts glissaient contre les siens et il ne parvenait à obtenir aucune prise concrète. Chaque tentative était plus désespérée que la précédente. Il ne comprenait pas.

“Quelque chose ne tourne pas rond…” Il se tourna vers Peter, mais ce dernier n’était déjà plus qu’une ombre. Encore une fois. Pourtant, il voulut s’y accrocher, y mit toutes ses forces. « Je t’en supplie, ne me laisse pas retourner là-bas ! » Son cri s’évanouit autour de lui. Il n’y avait plus aucune prise à laquelle se rattacher désormais. Il n’y avait plus que lui, qui se refusait à se réveiller dans un monde qu’il ne comprenait pas. Qui ne le comprenait pas. Un battement de cœur se fit entendre et il mit un petit moment à réaliser qu’il s’agissait du sien.

« Arrêtez… » Supplia-t-il, mais personne ne l’écoutait. Personne ne pouvait vraiment l’entendre. Il sursauta en voyant une forme au loin se précipiter vers lui à une vitesse fulgurante. L’une des ailes lui frôla le visage, fouetta sa joue. L’aigle n’était pas ravi du sort qui lui serait réservé si d’aventure, Maximilien ne se réveillait pas. Il le lui fit bien comprendre. A vrai dire, il l’attaquait de plein fouet. Les serres de ses pattes lui écorchaient les épaules, son bec martyrisait son crâne. Le sorcier se mit à courir pour le fuir et sans crier gare, il tomba.
Et tomba.
Tomba sans fin.

La chute fut brutale et l’espace d’un instant, comme sous le choc, il ouvrit les yeux. Sembla reprendre connaissance, du moins suffisamment pour distinguer un visage familier. Mais sûrement était-ce un mirage, car il n’expliquait pas sa présence face à lui. Il se trouva incapable de prononcer le moindre mot et chercha un air qui ne venait pas. La seconde d’après, il se mit à convulser.

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Pourquoi Juliet était là ? Il n’en avait aucune idée. De toutes les personnes qu’il pensait voir si par malheur, il s’en sortait, elle n’était pas son premier choix. Pas avec leurs antécédents. Leur dernière discussion n’avait pas été des plus positives, malgré leurs bonnes intentions à tous les deux. Ils avaient fait des efforts pour tenter de se comprendre, sans vraiment y parvenir. Mais le simple fait de la voir laissait entendre qu’il refaisait surface et cette idée ne lui plut pas. Il n’avait pas fait tout cela pour, encore une fois, lamentablement échouer. Comme s’il était voué à manquer chacun de ses actes, chacune de ses décisions. Maximilien ne voulait pas être là. Son esprit, du moins, se battait pour s’en aller quand son corps faisait tout pour rester en vie. C’était un combat féroce qui se jouait en lui, supporté par la magie de la médicomage.

Ce qu’il avait pris ? Il n’était même pas certain de connaître les vrais composants de la potion de l’Apothicaire et peu importe les questions qu’on lui poserait, il ne le dénoncerait pas. Un deal avait été passé et après tout, Redgrave n’était pas responsable de la manière dont ses clients usaient de ses potions. Le vieil homme l’avait averti des dangers et le Français les avait toujours gardés en tête. Cette overdose ne pouvait pas être une erreur de sa part. Quiconque le connaissait vraiment, le savait.
Il ne sentit pas les convulsions arriver et n’était pas complètement conscient de ce qui se produisait dans son corps. Il changea de position, initiative des médecins car il n’avait plus aucun contrôle sur ses propres membres. La crise ne dura pas bien longtemps, mais suffisamment pour être inquiétante. Quand elle se termina, il reprit plus ou moins conscience. Du moins, ses paupières s’ouvrirent et ses yeux fixèrent volontairement Juliet, qui se trouvait non loin de lui. N’étant nullement en mesure de parler, il bougea la tête de gauche à droite, en signe de négation. Il ne se battrait pas et le lui manifestait clairement. Tout cela ne dura qu’une à deux secondes, pas plus. Un instant de répit qu’il s’accorda avant de partir pour de bon.

L’urgence sembla reprendre autour de lui et l’une des machines se mit à s’affoler. Maximilien laissa sa tête reposer contre le brancard et se demanda s’il n’y avait ne serait-ce qu’une petite chance qu’on le laisse partir. C'était là tout ce qu’il demandait. Il ne s’attendait pas à ce qu’on le comprenne, qu’il survive à cette expérience ou non. A vrai dire, il avait peur de devoir se réveiller dans ce monde et de devoir expliquer son geste. Comme s’il pouvait y avoir une explication plausible à ce qu’il venait de faire. Tout partait d’un sentiment. D’un ras-le-bol. D’une sensation de trop-plein et de débordement, qui l’avait poussé à soulager autant sa conscience que son corps.
Oh oui, on allait le juger. On allait lui en vouloir, même. L’engueuler, peut-être. Il était tellement plus simple de fuir toutes ces choses futures, et il empruntait ce chemin. Celui de la lâcheté. Quand tout ce qu’il voulait, au fond, c’était revoir la seule personne qui ne l’ait jamais trahi. Ses lèvres, d’ailleurs, formèrent un léger mouvement pour prononcer son nom, dans un dernier et rare souffle.

« Pete… »

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Cette idée l’horrifia. Il ne s’était pas entendu prononcer le nom de Peter, mais Juliet si. Et voilà qu’elle lui promettait d’avertir la seule personne qu’il n’était pas en mesure de braver actuellement. Son regard lui criait de ne pas faire une telle chose. De les épargner, tous les deux. Il ne voulait pas être vu ainsi et l’Ecossais ne supporterait sûrement pas d’assister à une telle scène. Mais surtout, une grande honte l’emplissait à chaque minute de conscience. Trouver une justification à ce qu’il venait de faire lui semblait impossible. S’il était incapable de l’expliquer à une personne neutre, comment le ferait-il avec le sorcier ? Et sa famille ? Ils ne devaient rien savoir. Mais les mots ne sortaient pas de sa bouche. Il se trouva incapable de les articuler, alors il se contenta de faire les gros yeux. Si seulement cela était visible… Maximilien ne parvenait même pas à rester concentré sur un seul point plus de deux secondes. Une énorme fatigue faisait pression sur son crâne et il n’avait qu’une envie : dormir. Un claquement de doigt attire péniblement son attention, mais il ne saisit pas bien les mots prononcés par Juliet. Quand bien même ce serait le cas, il ne répondrait pas à sa question. Par volonté et ignorance. Il ne réagit pas, la regardait à peine. Son regard retourna se figer dans le vide, ses pensées s’envolèrent. Les secondes défilaient mais il n’en prenait pas conscience.

Une nouvelle voix se fit entendre, plus grave. Familière. Elio dû apparaître dans son champ de vision pour qu’il puisse l’identifier. Les chiffres qu’il entendait ne lui parlaient pas. Son esprit était enveloppé dans un étrange brouillard qui excluait toute possibilité de communication. La solitude, voilà ce qui lui restait. Quand bien même il s’en sortirait, quelle vie l’attendait vraiment ?
Un liquide désagréable glissa le long de sa gorge et il mit quelques secondes à se rendre compte que son corps se mettait à réagir. Il brûlait. S’il n’y avait aucune flamme pour manifester cette sensation, la douleur, elle, se montrait franche. Maximilien se mit à contracter chaque muscle de son corps sous le joug de la potion, sa mâchoire se serra et il poussa tout d’abord un grognement, puis un cri bien distinct.

« Arrêtez ! Arrêtez ça ! » Ses mots n’étaient pas bien distincts, mais la douleur qui s’affichait sur son visage les traduisait pour lui. Des larmes se mirent à couler du coin de ses yeux plissés par l’effort et dans une ultime tentative d’échapper à ce supplice, il manifesta physiquement l’envie de se défendre. Il tenta de sortir du brancard, renversa un plateau qui se trouvait à proximité et plusieurs fois, ses bras vinrent cogner contre les deux médecins qui tentaient de l’aider. Il se mit à penser que ce qui était supposé le soigner se trouvait bien plus douloureux à supporter que ce qui l’avait aidé à mourir, et il aurait pu rire de cette contradiction si seulement il en avait été conscient. Il cherchait à se défaire de cette sensation dévastatrice qui parcourait chacun de ses vaisseaux sanguins.
Ce qui ne devait durer que quelques minutes sembla être, pour lui, une éternité en Enfer. Et sans crier gare, alors que peu à peu la douleur s’amenuisait, il fut prit d’un besoin irrésistible de se débarrasser de l’élément étranger dans son corps. Il projeta son corps sur le côté du brancard où se trouvait Juliet et fut pris d’un vomissement incontrôlable, qui extermina la dernière dose d’énergie qu’il possédait encore jusque là.

Lancé de dé

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Ce fut le calme après la tempête. Après avoir enduré cette vive douleur dans chaque partie de son être tout entier, Maximilien vécu un instant étrange où plus rien ne semblait exister. Une intense fatigue s’empara de lui et l’engourdit quelques secondes. Ce moment ne dura pas assez longtemps à son goût car bientôt, il vomit de toutes ses tripes sur la blouse de Juliet, mais sans être réellement conscient de cet état de fait. Il eut juste la force de se rallonger sur le brancard et ferma les yeux avec cette incommensurable envie de dormir. Pantois, faible, il n’avait plus la possibilité de résister à quoi que ce soit et n’était même pas assez alerte pour identifier le lieu dans lequel il se trouvait, ni même les personnes qui l’entouraient. Il ne vit donc pas Juliet partir et toutes les paroles prononcées à voix haute autour de lui se transformaient en un flou sonore étrange qui n’avait aucun sens.

Il entendit un prénom être prononcé mais dû prendre quelques secondes pour réaliser qu’il lui appartenait. Que c’était bien lui qu’on appelait. Le sorcier fronça les sourcils mais fit l’effort d’ouvrir les yeux pour chercher l’auteur de cet appel. Le flou ne semblait pas avoir contaminé que son ouïe, il avait pris aussi possession de sa vision et il dû cligner plusieurs fois des yeux pour rétablir une certaine netteté au tableau devant lui. Il ne reconnaissait définitivement pas ce plafond au-dessus de sa tête, mais il pouvait mettre un prénom sur le visage penché au-dessus de lui. Qu’est-ce qu’Elio faisait dans la salle des Summerbee, avec une blouse blanche ? Etait-ce déjà Halloween ?
Sa bouche était pâteuse, un goût étrange s’y trouvait. Il avait mal à la gorge et ses membres lui semblaient engourdis. Rien n’était naturel dans la façon dont son corps réagissait aux demandes de son cerveau. Mais surtout, il ne parvenait pas à se rappeler ces dernières heures.

« E-Elio ? Que… s’est-il passé ? » Devoir s’exprimer dans une langue qui n’était pas la sienne était un effort considérable pour Maximilien. Il aurait pu choisir la facilité et parler en français, mais il n’était même pas certain d’avoir correctement identifié la personne qui se trouvait à ses côtés. Il fut pris d’une légère toux qui, malgré le peu de danger qu’elle représentait, irritait sa gorge déjà bien éprouvée par les deux potions ingérées plus tôt.

« De l’eau ? » C’est là qu’il l’entendit. Sa propre voix. Elle sonnait étrangement à ses oreilles, comme ne lui appartenant pas. Faible, rauque, presque effacée. Fatiguée. Elle collait avec le mal de tête qui s’était emparé de lui à l’instant même où il avait ouvert les yeux.

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Son premier réflexe fut de se demander ce qu’il faisait à l’hôpital. Cela n’avait aucun sens. Qui l’y avait amené ? Reconstituer le puzzle semblait plus compliqué que prévu et malgré les maux de tête que cela lui causait, il y mit tous ses efforts. Il le devait. Pour lui-même, pour les autres aussi… Pour Elio qui se posait probablement autant de questions que lui, si ce n’était plus. Mais pour le moment, il avait besoin d’eau. Ce liquide d’apparence banale, qu’on estimait conquis et qui le soulagea intensément à la minute où il franchit ses lèvres. Le simple fait de boire permit de clarifier ses pensées et il en profita aussitôt pour en tirer le maximum d'informations.

Il se souvenait parfaitement s'être glissé dans le quartier des Summerbee pour avoir un peu de tranquillité et l'explication d'Elio qui suivit lui donna les chaînons manquants. Le sorcier déglutit difficilement, se rendant évidemment compte de ce qu'il avait fait et se souvenant désormais parfaitement pourquoi. Un sombre sentiment de déception l'envahit et il aurait préféré ne pas rouvrir les yeux plutôt que de devoir expliquer ses actes ou pire encore, mentir à leur sujet. Il fut pris d'une légère panique à l'idée qu'on découvre le produit en question et qui était son créateur. Il avait promis à Redgrave de ne lui apporter aucun problème et tenait à respecter sa parole. Maximilien resta volontairement muet dans un premier temps, cherchant comment se justifier sans avoir l'air complètement fou.

Le fait d'être "hors de danger" ne semblait pas plus positif que l'autre issue possible. Il se mordit la lèvre et hocha négativement de la tête. « Non, ça va. Je veux juste rentrer chez moi maintenant. T-Tu peux m'arranger ça ? S'il te plaît. » Il ne le regarda pas tout de suite dans les yeux. Parce qu'il mentait, de toute évidence. Il se sentait affreusement mal et il lui semblait que son corps continuait de brûler intérieurement. À faible échelle, mais tout de même. Ce n'était pas agréable du tout. Il avait même cette impression désagréable que sa tête allait exploser à tout moment. Non, il n'allait pas bien, mais il ne voulait pas non plus rester là. Il savait que Juliet y travaillait. Et si elle le voyait ? Forcément, l'information remonterait et à la mauvaise personne en plus…

Non, il n'était pas prêt à faire face à toutes ces conséquences. Peut-être plus tard, qui sait… Faire l'autruche semblait être une meilleure alternative sur le moment. « Je ne veux pas te déranger pour si peu. »

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Il lisait dans le regard d’Elio que ce dernier ne le laisserait pas rentrer comme il le souhaitait. Ce qui avait du sens, bien sûr. Les positions auraient été inversées, Maximilien n’aurait jamais laissé son ami repartir seul chez lui, sans un peu de soutien émotionnel. Sauf que voilà, les positions étaient ainsi et le Français ne souhaitait pas rester. Il risquait chaque seconde de croiser une connaissance qui répandra cette “nouvelle” comme une traînée de poudre, si ce n’était pas déjà fait. L’embarrassement et la honte pointaient déjà le bout de leur nez et rien qu’à cette idée, son rythme cardiaque s’accéléra. Oh, il savait fort bien ce qu’Elio allait lui proposer. Dire qu’il n’en avait pas envie était un euphémisme…

Maximilien ravala sa salive et ses émotions alors que le médicomage prononçait les mots qu’il ne voulait pas entendre. Le voilà condamné à patienter dans un hôpital qu’une personne qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam vienne l’examiner et valider ou non sa sortie. Un énorme poids vint affaisser ses épaules et la peine se lisait sur son visage. Il n’en voulait pas à Elio, il faisait son travail. Non, la faute lui revenait à lui, d’avoir été si imprudent. D’avoir fait ça là où on pouvait aisément le trouver, comme si c’était volontaire. Comme s’il avait cherché à attirer l’attention. Il ne regrettait pas le geste, simplement la manière.

« Je ne sais pas ce qui a pu faire ça. J’ai dû manger ou boire un truc qu’il ne fallait pas par erreur. » Mensonge. Mensonge. Mensonge. Il se distinguait dans le manque de fermeté de sa voix, dans son regard fuyant et sa position  fébrile. Il mentait ouvertement et Elio le savait, sans aucun doute. Quel autre choix avait-il ? Dire la vérité ? Assumer ce qu’il avait fait ? Il ne s’en sentait pas capable sur le moment et on pouvait le comprendre. Il lui faudra du temps pour admettre qu’il a voulu échapper à sa propre vie, comme un lâche. Si son grand-père apprenait ça…

Il tourna un regard presque suppliant vers le médicomage en entendant sa “sentence”. Vingt-quatre heures ? C’était bien trop long. Le Français serra les poings au maximum de ce que sa force lui permettait et une fois encore, ravala ses mots. La décision n’était pas à débattre, il le savait. Il aurait pu essayer mais le succès n’aurait pas été au rendez-vous. Partir contre avis médical mettrait à mal sa relation avec Elio et il ne comptait pas perdre une autre personne dans sa vie. Alors il se fit à l’idée qu’il allait rester là. Cette simple constatation augmenta son angoisse.

Aux aveux du médicomage, il ne put que rester muet. Encore une fois, y répondre serait admettre ce qu’il avait fait et ce n’était pas envisageable. Il préféra faire comme si ses mots ne l’atteignaient pas. Comme s’il ne s’y reconnaissait pas alors que le Français avait juste envie de pleurer dans les bras d’un ami. Laisser échapper toute cette peine et ces remords qui le consumaient chaque seconde un peu plus. Maximilien baissa les yeux vers ses doigts qui s’entredéchiraient et haussa finalement les épaules, feignant de ne pas se soucier de l’avis d’Elio. Ses propos ne le quitteraient sûrement pas de sitôt.

« Fais ce que tu as à faire. » Il quitta sa position à semi-assise pour se laisser retomber sur l’oreiller du brancard, le visage à l’opposé de celui du Cooper. Il ne voulait pas voir son air compatissant et son inquiétude. Il n’avait jamais désiré provoquer un tel sentiment chez quelqu’un, mais le voilà qu’il le faisait quand même. Quelle ironie !
Il ne fallut pas longtemps avant qu’une infirmière s’approche de lui. Elle aussi tenta d’amorcer une discussion, mais Maximilien se contenter de fixer le vide sans répondre. Ou du moins semblait-ce être le cas mais en vérité, il tentait de retenir le chemin qu’ils étaient en train de prendre. Les couloirs, l’étage… Il entra finalement dans sa chambre et on l’installa. Encore une fois, on voulut lui faire la conversation et aux questions, il ne répondait que par des hochements de tête. Non, il ne voulait rien de plus que ce qu'on lui avait déjà donné. Tout ce qu’il souhaitait, c’était un peu de paix. Il finit par l’obtenir après de longues minutes et après avoir momentanément fermé les yeux, il porta son regard sur la fenêtre. La liberté ne lui avait jamais semblé aussi lointaine.

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Son regard resta ancré sur le paysage derrière la fenêtre un long moment. Il ne sut combien de temps cela dura, mais il se rendit compte au bout d'un moment qu'il ne pensait plus à rien. Tout son être semblait vide et amorphe, à l'exception de son estomac qui le brûlait encore. C'était sûrement mieux ainsi. S'il s'était permis de penser, Maximilien n'aurait fait qu'augmenter le niveau de son anxiété déjà bien élevée. Il aurait été obligé de se dire qu'à son retour à l'université, tout le monde saurait ce qu'il avait fait et que les regards de pitié se succéderaient aux jugements. La simple idée de les affronter le terrifiait. Il serait alors obligé de réfléchir à une façon de garder ce secret intact, quitte à en soudoyer quelques-uns au passage. Tant que l'information ne remontait ni jusqu'à Peter, ni jusqu'à Charles, il se sentirait chanceux. Mais la pointe de pessimisme en lui ne cessait de répéter qu'une telle chance était impossible. Il voulait bien la croire.

Ah, voilà qu'il pensait désormais. La trêve était terminée, sans même qu'il ne s'en soit rendu compte. Maximilien agrippa les bords des draps d'hôpitaux et les remonta jusqu'à son menton. Il ne savait pas si les frissons qui traversaient son corps manifestaient le froid ou le chaud. Il inspira longuement et, comme pour invoquer un patronus, tenta de se concentrer sur des souvenirs heureux. Mais tous ceux qui lui venaient en tête ne faisaient qu'accroître sa peine et il se mit à pleurer en silence.

Un sursaut le tira de ses rêveries alors qu'on toquait à sa porte. Avant même d'avoir identifié la voix et la tête qui passait dans l'ouverture, il frotta ses joues pour chasser toute trace de larmes. Il estimait s'être déjà bien assez ridiculisé comme ça pour ne pas avoir à en remettre une couche par-dessus.
Il constata bien vite qu'il s'agissait de Juliet et aussitôt, son cœur s'emballa. Les sentiments qui le traversaient n'avaient rien de positif. Au contraire, la peur régnait en maîtresse sur ses émotions et il ne se sentait pas capable d'avoir une conversation neutre dans ces conditions. Pourtant, il ne la chassa pas.

« Oui, bien sûr. » Toujours garder la face. Charles l'avait élevé avec cette leçon et malgré sa bataille pour s'en défaire, il gardait certains automatismes qui pouvaient parfois le rendre hautain ou superficiel aux yeux des autres. Un bourgeois de sang-pur. Il vérifia une dernière fois que son visage était sec et se redressa sur le lit dans une légère grimace. Maximilien se sentait faible et vulnérable. Il n'y avait rien de pire, surtout face à son ex-fiancée. Comment l'amener à garder l'information pour elle ? La faire mentir, pour lui ?

« Désolé que tu aies dû assister à ça. » C’était son travail, allait-elle sûrement répondre. Le Français avait l’impression de s’excuser pour des mois et des mois d’un passé fort peu glorieux.

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Croiser son regard clair devenait de plus en plus difficile depuis la rupture de leurs fiançailles. Malgré les quiproquos et les mésententes, Maximilien s'était toujours dit que le temps leur permettrait de se rapprocher, pour le bien des relations entre Peter et Juliet. Mais voilà, il n'était plus dans la vie de son cousin et la Blackthorn ne lui devait absolument rien. Certainement pas de l'affection. Sûrement même lui en voulait-elle d'avoir détruit un autre couple que le leur. En la laissant entrer dans la chambre, il s'attendait à se faire remonter les bretelles. Il était comme un enfant fautif face à sa mère et la sensation n'était pas agréable. Voilà pourquoi il ne maintenait aucun contact visuel avec Juliet. Il ne voulait pas lire dans son regard tout le regret et le dégoût qu'il lui inspirait. 

Elle s'arrêta au pied de son lit et il la remercia mentalement pour la distance qu'elle conservait entre eux. Malgré son évidente facilité au contact, Maximilien n'était pas disposé à un quelconque rapprochement physique présentement. Son corps lui semblait bien trop étranger pour cela. Il baissa la tête à sa question, incapable de lui faire face. Encore une fois, il allait faire ce qu'on attendait de lui, selon Charles Leroy.

« Tout va bien. » Il ne demandait pas à ce qu'on le plaigne. Sa présence ici ne pouvait être incombée qu'à lui-même. Il devinait au ton dans la voix de Juliet qu'elle ne se tenait pas devant lui en tant que médicomage, mais bien en tant que connaissance. Il voulait lui demander - la supplier - de garder tout ce qu'elle venait de voir et savait pour elle-même. Tout comme il espérait que Elio saurait garder sa langue sur son état. Mais qui était-il pour lui imposer de mentir aux autres ? Absolument personne. Maximilien inspira profondément et ses ongles grattaient nerveusement la surface des draps blancs. Bien trop blancs pour ses yeux fatigués. Aborder le sujet était plus compliqué qu'il n'y paraissait.

« Y a-t-il la moindre chance pour que tu oublies tout ça ? » Il avait essayé de dire cela sur le ton de l'humour, mais rien n'y faisait. Il résonnait plus pathétique qu'autre chose. Juliet, il le savait fort bien, n'oublierait pas. Il pouvait s'estimer heureux si elle acceptait de garder un si lourd secret pour elle. Il ne voulait pas lui imposer mais l'urgence martelait son crâne. 

« Ou que… qu'au moins… tu… n'en parles à personne ? Je ne veux pas… Enfin… C'est ma vie privée, tu comprends ? Je sais que tu ne me dois rien. Je comprendrais… je crois. » Une boule se formait dans sa gorge et il tremblait légèrement. Il tenta de le cacher en mettant ses bras sous les draps, comme si cela allait réellement changer quelque chose dans la façon dont Juliet pouvait le percevoir à cet instant. Le seul prénom qu'il ne voulait pas entendre, il savait qu'elle était en train d'y penser.

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Les rares fois où il s’autorisait à regarder Juliet en face, il ne pouvait que constater la déception qu’il lui causait. Elle devait probablement lui en vouloir de lui avoir imposé une telle vision de lui-même. Il ne pouvait pas croire autre chose. Elle avait raison, d’ailleurs. Il la rendait triste et cela le rendait triste. Voilà pourquoi il voulait garder tout ce qui s’était produit pour lui, afin que personne d’autre n’ait à souffrir de sa décision égoïste. Bien sûr, il ne parvint pas à le formuler de cette façon, sinon elle aurait peut-être pu accepter. Il espérait encore qu’elle le fasse. Si c’était le cas, il se sentirait probablement assez confiant pour discuter de ce qui s’était passé, de la raison derrière cet acte - bien qu’il n’était même pas certain de vraiment pouvoir donner une explication concrète.

Cette fois, il la regarda et son être entier se figea lorsqu’il entendit sa réponse. Sa famille ou Peter. Il ne savait pas ce qui était le pire. En fait si, il le savait fort bien. Sa famille chercherait à étouffer l’affaire et déciderait sûrement de ne plus jamais en parler, même entre eux. Mais Peter… Peter, il allait vouloir comprendre. Il allait poser des questions, être en colère, exprimer des émotions et des inquiétudes que Maximilien n’était pas en mesure de gérer. Il pria intérieurement pour qu’elle ait choisi la première option.

Mais à quoi bon se leurrer… Il n’avait jamais eu autant de chance et cela se répétait encore aujourd’hui. Comme s’il n’arrivait jamais aux résultats espérés, peu importe combien il y mettait d’effort. A l’idée que Peter puisse débarquer dans les jours prochains, il eut un haut le cœur. Pas de dégoût, mais bien de peur. Il redoutait de le voir passer la porte de cette chambre et préférerait sûrement être sourd, aveugle et muet si cela venait à se produire. Ainsi, il n’aurait ni à voir ses reproches, ni à les entendre - et encore moins à y répondre. Le confronter l’effrayait plus que tout.

« Une tentative de s… Non ! Non, ce n’était pas ça. Tu te trompes. » Il voulait croire qu’il n’avait pas fait une chose pareille. Fuir, oui. Cela semblait être une meilleure option. La convaincre qu’elle avait tort, car il était impossible pour lui qu’elle le voit comme un suicidaire. Qu’il puisse être jugé sur cet acte. « T’avais pas le droit de faire ça. T’aurais pu… T’aurais pu appeler mon cousin ! Emmanuel, mon cousin. Je ne veux pas le voir, il ne doit pas me voir… Tu comprends ? C’est pas possible. Je ne veux pas que tu lui dises, jamais. Jamais ! » Ses tremblements s’intensifiaient au fur et à mesure de son discours. L’effroi était visible sur son visage, le déformait comme jamais auparavant. C’était sûrement parce qu’il tenait plus à Peter qu’à n’importe qui d’autre qu’il refusait que celui-ci vienne à l’hôpital. Il ne saurait même pas quoi lui dire. Tout comme il ne savait quoi dire de plus à Juliet. Comprendrait-elle seulement son mal-être ?

« Les gens mentent. Ils mentent tous, tout le temps. Même ceux que tu aimes te mentent. Alors je te le demande, Juliet. Tu dois mentir. Tu es tenue par le secret professionnel et je t’interdis de raconter quoi que ce soit à Peter, tu m’entends ? Il n’est plus dans ma vie donc il n’a pas besoin de savoir. Si je l’intéressais encore, il se serait manifesté avant. »

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

Bien sûr qu’il lui en voulait, mais sa colère n’était en aucun cas rationnelle et il en avait bien conscience également. À la place de Juliet, il aurait probablement fait la même chose. Quoique non, il aurait appelé son cousin, et pas son ex. Il ne pouvait pas réfléchir de façon correcte mais ça, elle devait bien le savoir.

« Je peux me débrouiller tout seul, je n’ai besoin de personne. » Il ne voulait pas qu’elle la raccompagne mais plus que tout, il en avait assez du regard de pitié qu’elle lui offrait. Oui, il faisait peine à voir… Et son entêtement à refuser de l'aide n'arrangeait pas son cas. Sûrement paraissait-il même insupportable pour Juliet, mais il n'en avait que faire. Tout ce qu'il cherchait et demandait, c'était de la discrétion de sa part.

Il fut soulagé d'entendre sa promesse, tout en sachant que cela ne suffirait pas pour apaiser sa douleur. Elle n'allait pas le lâcher de sitôt, cela pouvait se lire dans son regard. Sauf qu'il ne voulait pas de sa détermination. S'il l'a trouvait admirable, il s'en passera bien. Bien sûr, elle n'était pas de cet avis et le lui fit comprendre.

Parler. Il devait parler. A quelqu'un ou, pour la citer, à n'importe qui. Sauf que Maximilien n'en avait pas envie mais surtout, il ne savait même pas quoi dire. Comment se justifier ? Comment dire : oui, j'ai essayé c'est vrai, peux-tu le comprendre sans me juger ? La boule dans sa gorge bloqua ses mots. Il la regarda longuement avant de détourner le regard pour de bon.

« Tu ne pourrais pas comprendre. » C'était l'excuse facile, parce qu'il n'en savait rien en réalité. Peut-être connaissait-elle intimement le sentiment qui l'envahissait chaque jour depuis quelque temps. Il était presque certain qu'une bonne partie des étudiants y avaient fait face à un moment ou à un autre de leur scolarité. On pourrait penser que Maximilien avait été taillé pour y faire face, mais c'était faux. Au contraire, il se sentait vulnérable. Il avait l'impression que parfois, on s'en servait contre lui.

« Que penses-tu qu'il s'est passé, Juliet ? Que crois-tu qu'il passe par la tête d'une personne de 25 ans pour prendre cette décision ? Est-ce de la faiblesse, selon toi ? De la peur, peut-être. Ou simplement une bêtise mal gérée. Je ne sais pas quoi te dire pour te soulager. » Il baissa les yeux sur ses mains sous le drap. Sa bouche manquait d'eau, il la sentait pâteuse. Quand il reprit la parole, sa voix était bien moins franche.

« Je crois juste que je suis fatigué, tu sais. » Seul et fatigué, plutôt. Elsje était aux abonnés absents depuis son départ d'Hungcalf, mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Tout comme il ne pouvait pas blâmer Catalina pour vouloir passer son temps libre avec son amoureux, plutôt que son ami triste. Son cousin non plus n'avait pas le temps - et même s'il en avait, Maximilien ne le connaissait pas assez pour lui en réclamer. Sa mise en couple avec Peter l'avait éloigné de beaucoup de monde à qui il tenait et maintenant qu'il en était séparé, il se retrouvait plus seul que jamais. Cela lui rappelait une certaine époque sombre, ses premières années à Beauxbâtons. Cela lui avait demandé du temps de se sociabiliser, de redevenir un garçon solaire. Il devait recommencer aujourd'hui mais n'en avait pas la force.

Runaway ft. @Juliet Blackthorn - 14.09.21

De nombreuses pensées s'entrechoquaient dans sa tête sur ce que pouvait penser Juliet à cet instant. Maximilien ne voulait pas admettre que c’était un acte délibéré, mais se doutait que la médicomage l’avait deviné. Le jugeait-elle ? Le trouvait-elle égoïste de n’avoir pensé qu’à sa propre souffrance, sans même considérer celle des autres ? Y trouvait-elle un sens ou tout cela lui semblait-il improbable ? Comme… sorti de nulle part ? Car le Français ne laissait jamais rien paraître de ses maux. Il lui avait fallu un temps considérable pour s’ouvrir à Peter sur la douleur qui rythmait son quotidien et ceux qui en avaient déjà connaissance étaient les mêmes personnes qui l’avaient vécu avec lui. Elsje savait, puisqu’elle y avait assisté. Elle l’avait ressenti, tout comme lui. Leurs mains s’étaient tenues dans la détresse, dans la peur, dans la mort…

Que pouvait-il dire aujourd’hui qui donnerait un sens à son acte ? Aucun mot ne lui venait à l’esprit. Rien qui soit justifiable. Elle affirmait ses sentiments légitimes, sans connaître leur réelle teneur. Comme s’il avait eu raison de choisir cette manière de faire plutôt qu’une autre. Il aurait pu aller chez un psychomage, confesser ses plus grandes blessures et pleurer sur ses tourments. Mais les principes de Charles Leroy étaient encore profondément ancrés en lui et lors de son éducation, il fut clair sur l’utilisation du système médical. Quoique tu penses, quoi que tu ressentes, tu le gardes pour toi. Les secrets restent et se règlent en famille. Alors qu’il regardait Juliet dans le blanc des yeux, il repensa à ce mantra étrange et typique des sang purs. Pas étonnant qu’il n’ait jamais eu le courage d’appeler à l’aide…

Il ne pensait pas chercher à être vu, du moins pas consciemment. Il croyait avoir fait tout comme il faut pour régler son “problème”, mais se trouver sur ce lit d’hôpital indiquait tout le contraire. Maximilien fixa de nouveau les draps couvrant son corps fatigué et laissa connaître ce sentiment. Il sonnait comme un échec, mais aussi une dure réalité. Oui, il ressentait beaucoup de tristesse concernant sa rupture avec Peter, la façon dont ça s’était déroulé et le manque que cela créait. Mais il n’y avait pas que ça, malheureusement. C’était un tout, un sentiment qui le poursuivait depuis maintenant plusieurs années et qui, enfin, semblait avoir gagné la bataille contre sa volonté.

« Je n’ai pas le choix de toute façon, n’est-ce pas ? Si je ne dis rien, on ne me laissera jamais sortir. » Il ne connaissait pas exactement le fonctionnement à Sainte-Marie mais s’imaginait que, vu la manière dont il avait été admis à l’hôpital, il y avait peu de chances qu’on le laisse sortir sans lui avoir tiré les vers du nez au préalable. Ou l’avoir bourré de cachets, au choix. Cette pensée lui tira un grand frisson, il ne se sentait pas prêt à vivre dépendamment d’un traitement médical. Maximilien garda le silence un long moment, son visage tourné vers la fenêtre. On pouvait entendre la vie courir dans les couloirs de l’hôpital à chaque urgence mais le temps, dans cette chambre, semblait s’être arrêté. Juliet restait là, comme si elle attendait un signe de sa part. Peut-être était-ce un test ? Il voulait voir combien de temps elle tiendrait avant de baisser les bras, comme tout le monde. Mais non. Il finit par prendre la parole.

« C’était égoïste de ma part, je le sais. Mais on suit tous un chemin de vie et parfois, il est coupé sans crier gare. » Comme pour son frère. « Ou alors, on a l’impression d’être arrivé au bout, de ne pas voir plus loin devant. Et même si on sait que, dans les faits, le chemin peut continuer, on choisit de le couper soi-même. Tu peux appeler ça comme tu veux en fin de compte : fatigue, peur, ras-le-bol… Je n’ai pas eu tant de facilité qu’on veut bien m’en donner tout au long de ce chemin, Juliet. Je ne suis certainement pas le plus à plaindre, tu me diras… et tu aurais raison. Il y a pire. Mais je ne suis pas taillé pour ça. J’ai tenu avec ce que j’avais, le plus longtemps que j’ai pu. Je ne sais pas avec quoi continuer, tout simplement. Est-ce que ça fait de moi un lâche, tu penses ? » Sa question n’était en aucun cas ironique, mais bien réelle. Il tentait toujours d’être brave et courageux, défendant les plus opprimés, estimant qu’il n’avait pas à se plaindre de sa vie comparée à celle des autres. Refusant de voir ses propres souffrances au détriment de celles des autres. Et voilà où cela l’avait conduit… « Si jamais tu te poses la question, non. Ce n’est pas qu’à cause de Peter, même si rejeter la faute sur lui serait beaucoup plus facile. C’est un tout. Je ne me suis jamais pardonné ce que je t’avais fait et ça me hante tous les jours. Je suis très mauvais pour vivre avec la culpabilité. » Raison pour laquelle il avait toujours cherché à être honnête et profondément gentil. Parce qu’il se savait incapable de vivre avec les souffrances qu’il aurait causées aux autres. Sa nature ne le lui permettait pas.