Le 22.04.20

Chère Abi,

Comme d'habitude, je ne sais pas par où commencer, alors je vais y aller au feeling.

Le printemps s'installe depuis plusieurs semaines dans la région maintenant. On a un beau soleil et, même si il y a toujours des trains de mouton, le bleu derrière est très profond. J'imagine que, par rapport à l'Amazonie, cela doit te paraître un peu terne, mais enfin selon mes critères de highlander, on n'est pas mal parti du tout.

Je t'avais parlé de l'incendie du mois de janvier : les choses vont mieux maintenant. On a dû faire face à de grosses dépenses en réparations et la production a beaucoup souffert, mais ça se remet en place petit à petit. Heureusement que c'est arrivé en plein hiver, quand on vit sur les stocks de la saison précédente... Les livraisons ont été impactées pendant quelques semaines (il a fallu faire appel à des prestataires, ce qui est toujours délicat, par rapport à nos exigences de qualité). Une chance que ce soit arrivé en période creuse et pas au mois de Septembre (par exemple).
Du coup, Arthus travaille d'arrache-pied pour rattraper le retard du début d'année. Je fais de mon mieux pour gérer les ventes en parallèle. Je pense qu'on a pris le rythme, c'est beaucoup plus fluide que l'année dernière à la même époque. Niveau entente entre nous, ça s'est arrangé aussi, comme tu l'imagines (tant-mieux).
A croire que le renouveau, c'est bon pour tout le monde. En vrai, j'aime bien le printemps. On a les premiers saisonniers qui débarquent : ça fait plus de monde à la maison, c'est sympa. Après, c'est clair que la ferme n'est pas Londres, mais bon... Je crois que ça me plaît bien, de vivre au pays, en fin de compte. On n'éteint jamais le feu qui brûle dans le cœur d'un écossais, right ?

Que dire de plus ? La famille va bien : mémé est en forme et je passe plus de temps avec ma frangine. Retourner vivre dans la maison où on a grandi, ça permet de revenir sur un tas de choses qui s'étaient cristallisées dans l'enfance. On n'aborde pas la relation de la même manière. Enfin, sans faire de la psychologie de comptoir, mais tu vois ce que je veux dire.
J'ai eu l'occasion de passer à l'université quelques fois (comme il faut approvisionner les serres et la réserve). Ça a été l'occasion de visiter un peu. La magie me surprend toujours (alors que j'ai grandi avec), mais ce genre de lieu c'est carrément le niveau au dessus. On dirait que tout peut arriver, c'est hyper déstabilisant, mais intéressant en même temps.
On fait des rencontres assez insolites. Genre, dis toi, je me suis retrouvé enfermé dans la salle du bon vouloir avec Evandro Delgado. Un truc de fou. Je me rappelle de toutes les réflexions qu'on entendait à la maison sur leur compte, les histoires de concurrence, de vision du métier et autre... Mais le gars est plutôt cool, en vrai. C'était vraiment pas la peine de vendre le truc de manière aussi négative à la base. Enfin bon, les préjugés marchent quand on ne connaît pas les gens, right ?

Je pourrais te parler plus longuement de tous les gens que j'ai rencontré récemment, mais je ne suis pas sûr que ça t'intéresse. Enfin, je ne serais pas en mesure de te rendre visite de suite, avec tout le boulot qui s'accumule, mais le cœur y est. Donc si tu as l'occasion de passer dans la région (ou même à Londres), avant le début de l'été, tiens moi au courant.

A très bientôt.

Charlie

Très cher Charlie,

Ta lettre illumine ma journée, et c'est peu de le dire. Ici, c'est la saison des pluies, l'atmosphère est très lourde. Les rares moments où il ne pleut pas, je transpire tellement que j'ai la sensation d'être sous la douche. Désolée ce n'est pas glamour, mais je ne pensais franchement pas que le brouillard et la fraîcheur de l'Écosse me manqueraient à ce point. Cela dit, la zone de Chechen et Chaca est très scintillante quand il pleut, la magie y fait son office, c'est impressionnant de voir comme la nature ici peut réagir. Si ça t'intéresse, je serai heureuse de t'enseigner quelques petites choses à mon retour.

J'ai appris pour l'incendie oui, et je souhaite vraiment encore une fois que tu m'excuses d'avoir été absente. Tu connais toutes les raisons et je crois qu'elles sont bonnes, la fin de mes études universitaires prime sur tout le reste. Je crois que je radote, désolée, je t'ai déjà parlé de tout ça. Du coup, lire que vous arrivez à vous en sortir, ça me soulage vraiment. Pour le coup, j'espère pouvoir revenir plus régulièrement pour vous donner un coup de main. Après tout, je dois rendre des cours régulièrement, mais à chaque fois je fais tout en express.

Le printemps à la ferme a toujours été magnifique. Te souviens-tu de nos jeux lorsque Susan plantait les bulbes de tulipes ? Nous étions si fières d'avoir réussi à créer des hybrides, les couleurs étaient fantastiques ! Londres reste magnifique elle aussi même si j'apprécie moins les gens : ils me bousculent toujours autant haha. Donc ouais c'est difficile d'éteindre le feu dans le cœur écossais, surtout quand on l'aliment avec du Whisky.  

La famille c'est super important. C'est plutôt ironique que toi tu te rapproches d'eux tandis que moi je me suis éloignée un peu comme une mal propre. As-tu un peu de nouvelles de mes parents ? (j'en ai régulièrement d'Adé, c'est pour ça que je ne te pose pas la question). Tu salueras tes frères et sœurs, et tu feras de gros bisous à Susan, elle me manque énormément elle aussi.  Ah, l'université a ce côté mystérieux et étrange de la magie que j'apprécie aussi, même si pour le coup, j'ai hâte d'en finir. Dix ans, ça commence à faire long purée. Mais mince je ne t'ai pas vu dans la salle du bon vouloir, j'aurais aimé voir ta tête ! Cela dit, j'ignore qui est Evandro Delgado, jamais entendu parler, désolée. Je suis peut-être déjà partie trop longtemps ?

Pour finir, parle-moi de tous les sujets dont tu as envie de parler, tu sais que ça ne me dérange jamais et que ça m'intéresse toujours, surtout lorsque ça vient de toi. Ça me permet de penser un peu à autre chose que ce [le mot ici est rayé] dossier.  Ne t'inquiète pas pour la visite, passe lorsque tu as le temps, rien ne presse, normalement la réserve ne devrait pas s'envoler (j'espère haha). Comme promis, j'essayerai de venir vous voir la prochaine fois que je retournerai à Hungcalf. Tout va dépendre de l'avancée de mes recherches.  

Ho ! Je ne t'ai pas dit ! J'ai un peu postulé à droite et à gauche dans des réserves pour mon futur emploi (mais bon, encore faut-il que je réussisse mon diplôme…), et l'une d'elles, en Hongie, m'a répondu favorablement ! T'imagines ? Travailler en Hongrie auprès des Magyars à Pointes, ce que j'ai toujours voulu ! Olala ! Bon, rien n'est fait, je dois réussir mes examens (argl… ), réussir les divers entretiens et faire mes preuves. Ça me stress d'avance, mais bon, j'essaye de me dire que c'est un bon stress.  

Petite question pour le plaisir : quel est le premier endroit où tu m'emmènerais si nous visitons Londres ensemble ?

Tu me manques énormément, à très vite.

Abigail.

Le 28.04.20

Salut Abi.

Merci pour ce tableau ! Je te vois bien en train de taillader des lianes à coup de machette, toute ruisselante sous la pluie. Un petit côté Lara Croft (si tu as la référence) : tourné dans le bon sens, c'est presque sexy. Enfin, tu sais que je suis toujours content quand tu m'apprends des trucs, alors ce sera avec plaisir.

Ne te sens pas obligée de t'excuser pour quoi que ce soit. C'était un accident et si il doit y avoir un responsable là dedans, ça ne peut être que moi et personne d'autre. De toute façon, on va tous de l'avant maintenant, alors ce n'est vraiment pas la peine de ressasser le truc, je t'assure.
Toi et moi, ça a toujours été en pointillé de toute façon. J'ai dû partir à une époque, maintenant c'est ton tour : je crois qu'on est plus solide que ça, non ? De toute façon, tu auras toujours une place particulière dans ma vie, je pense que tu le sais... Alors vraiment, ne t'excuse plus.
A ce titre, oublie le coup de main : quand tu reviendras, je veux te traiter en invitée. Ma grand-mère me parle souvent de toi, en demandant quand est-ce que tu reviens et ainsi de suite... Ce n'est pas pour te mettre au boulot sitôt qu'on te verra débarquer. Elle ne serait pas contente (et moi non plus).

Concernant nos souvenirs d'enfance, je crois être longtemps passé à côté de toute la beauté de cette nature. Je me rappelle surtout des travaux et de toutes les âneries qu'on faisait avec les frangins ou les cousins... ça se finissait toujours mal, d'ailleurs. Et en grandissant, ça me paraissait beaucoup moins attirant que les lumières de Londres.
Je crois que c'est d'être de retour en responsable des lieux qui commence vraiment à me faire changer. Petit à petit, je comprend cette fascination que tu as toujours eu à l'endroit de la nature, des fleurs et tous ces trucs que je m'amusais à piétiner étant gamin. Je dois m'en occuper et faire en sorte que tout se développe correctement (même si c'est surtout la partie d'Arthus). Ça me fait réaliser combien tout ceci est complexe... Et beau dans cette complexité, du coup.
En fait, je crois que je commence à comprendre mon grand-père. C'est idiot d'avoir dû attendre qu'il soit mort pour faire ce genre de réalisations, parce-que je ne pourrais jamais lui demander ce qu'il en pense... Mais bon, je crois que tu saisis l'idée.

Toi, tu te sens toujours une petite bête farouche ? Ne me dis pas que les dragons sont une meilleure compagnie que les gens, je ne m'en remettrais pas.
A ce titre, si tu veux que je t'expédie du Scotch pour agrémenter vos soirées entre chercheur, tu me dis. Certaines traditions doivent perdurer par delà les frontières !

Concernant tes parents, je t'avoue n'avoir pas eu l'occasion de leur parler depuis un moment (my bad)... Je sais que ma grand-mère maintient le contact plus souvent que moi, alors je lui demanderais (ça lui fera plaisir de savoir qu'on s'écrit). Mais je crois qu'ils vont bien : pas de nouvelles, bonne nouvelle, comme on dit.
Je te dirais bien qu'on n'aura qu'à se faire une expédition dans la salle du bon vouloir à ton retour, mais c'est pas comme ça que ça marche, apparemment ! J'ai bien cru qu'on n'en sortirait jamais en un seul morceau... La magie est définitivement une force beaucoup trop chaotique pour moi.
Quand à Evandro, sérieux ? Il est l'héritier de l'empire Delgado, notre principal concurrent dans le commerce de plantes magiques... Un brésilien un peu beau gosse.
Enfin bref, peu importe !

Sinon, quel genre d'anecdote pourrais-je bien te raconter ?
J'ai fais une expédition dans l'un des tableaux d'Hungcalf avec Judith (je ne sais plus si je t'ai déjà parlé d'elle, c'est une vieille amie avec qui je suis sorti pendant quelques temps, y'a à peu près dix ans de cela, bref). Le doyen a organisé un genre d'exposition à l'occasion de je ne sais plus quel événement et donc on avait la possibilité de visiter l'intérieur des tableaux.
C'était Hungcalf dans les années 70/80. On s'est bien marré. A un moment, on s'est même retrouvé coincés dans un cours de potion. Forcément, comme aucun de nous n'était compétent, ça s'est terminé en désastre. Mais enfin, je suis tout de même ravi d'avoir pu participer à un cours de magie au moins une fois dans ma vie. C'était très instructif, bien que fort peu fructueux.

Félicitations pour cette nouvelle ! Tu dois être ravie ! Je suis sûr que tu réussiras tes examens haut la main, faut pas exagérer. Depuis le temps que tu bosses sur le sujet, tu es tellement passionnée... Ce serait complètement aberrant autrement.
Je veux dire, si il y a bien une personne destinée à travailler auprès des dragons, c'est bien toi (Merlin sait si tu caches bien ton jeu). Enfin, je ne dis pas ça pour te mettre la pression, hein... No stress. C'est juste que j'ai confiance en toi, quoi. Encore toutes mes félicitations.

Et pour répondre à ta question... Difficile ! Je dirais Walthamstow ? Je ne sais pas, haha... Ce n'est pas vraiment Londres, on est d'accord, mais j'imagine que j'essayerais d'épargner ta sensibilité à la foule en allant traîner du côté du parc Lloyd. Quelque chose du genre.
A quoi tu rêves dans ton petit radeau des cimes ? Une envie particulière ?

Je pense bien à toi, à très bientôt.

Charlie

PS : Tu peux mettre les fleurs séchées dans l'eau, elles sont enchantées pour redevenir fraîches
(merci à Arthus de backup mes intentions pseudo-romantiques avec ses sortilèges).

Coucou Cha.

J'imagine que tu as dû être surpris en ne voyant pas George arriver pour te donner cette enveloppe... Malheureusement, tu ne le reverras plus. Il s'est endormi dans mes bras, de son grand âge. Je suis en deuil depuis quelques jours, cet oiseau, je l'ai reçu lorsque j'ai appris pour ma rentrée à Poudlard, son absence créer un grand vide en moi. Tu comprends pourquoi j'ai mis autant de temps à te répondre. Mais bon… il parait que c'est la vie.

Pour ta référence à Tomb Raider, oui, je l'ai, j'aime beaucoup cette héroïne, mais j'ai un double détail qui saute moins aux yeux. Encore heureux, il ne me manquerait plus qu'un mal de dos carabiné à cause d'une poitrine trop prononcée. Mais sinon oui je taillade des lianes en étant ruisselante sous la pluie. Ça t'inspire ? =p

Tu le dis toi-même, c'était un accident cet incendie, pourquoi ce serait de ta faute ? Enfin pardon, je ne veux rien ressasser du tout, juste m'assurer que tout aille bien maintenant. Tu sais que la ferme est un peu ma seconde maison.  Nous sommes solides comme un roc ouais, j'y crois, et même si c'est en pointillé des fois entre nous comme tu le dis, j'aime bien aussi quand ça va en ligne directe. Avec les virages et les croisements. En parlant d'embranchements, Susan a toujours le don de me réchauffer le cœur, et je suis ravie d'avoir de ses nouvelles par ton biais. Sa santé était fragile un temps, je crois que je me fais du souci depuis, même inconsciemment. Mais promis, si je viens après mon diplôme, je serai invitée. Je me contenterai de te regarder bosser et soulever de grosses bottes de foin pendant que je siroterais un bon cocktail sur une chaise longue. Ça te parle comme image ça aussi ?  

Tu sais, je crois qu'en vrai, la beauté a plusieurs visages, et en grandissant on découvre d'autres choses, et on en comprend mieux d'autres, je pense que c'est normal. Cela dit, je suis quand même triste que tu aies renoncé à tes rêves de Londres pour venir travailler à la ferme. Même si, égoïstement, j'aime l'idée de pouvoir venir à ta rencontre plus facilement, j'apprécie moins le fait que tu puisses te sentir comme amputé. Je ne sais pas comment je serais si on m'interdisait d'étudier les dragons. Cela dit, je me réjouis de pouvoir t'en apprendre plus et t'en montrer davantage. Comme tu dis, tout est complexe, mais moi, c'est ça qui me fascine. Concernant ton grand-père… tu sais, je me dis qu'il doit être fier de toi maintenant là où il est, quand on part du principe que les fantômes et les esprits existent tant qu'ils vivent en nous. Des fois, je me dis que la vie nous offre les opportunités dont on a besoin quand on en a besoin. Je ne pense pas que ton temps à propos de la botanique soit tardif. Dans un sens, ça te permet de continuer à faire vivre ton grand-père à travers toi, tu continues son œuvre. Moi je trouve ça beau. (ouais je me sens d'humeur philosophe, ça doit être le deuil haha).  

Sinon, ne me tente pas, tu sais très bien que j'ai toujours préféré la compagnie des animaux à celles des humains. Enfin, la plupart des gens en tout cas. T'es pas concerné, tu le sais bien, tout comme ma famille. Mais pour le Scotch, même si j'en salive d'avance, je préfère refuser. J'ai un mal de crâne carabiné en ce moment tu n'imagines même pas… Je pense que ça vient des pluies diluviennes de la région qui n'arrangent rien au taux d'humidité déjà énorme. Sans compter ma maladie, ben voilà. J'adore l'Amazonie, mais dans le fond, je me réjouis de ne plus y vivre à temps plein. La brume écossaise vient à me manquer, c'est dire ! Du coup ouais, en ce moment je ne me sens pas ultra farouche, je suis un peu vidée de mon énergie intérieure, mais je sais que ça va revenir c'est une période qui est ainsi. Un peu comme au début d'année tu sais, je suis un peu perdue et tout, mais je vais retrouver le sens du vent. Je ne dois pas perdre de vue mon objectif : avoir mon diplôme !

Merci pour mes parents. La dernière lettre que j'ai reçue de leur part m'indiquait qu'effectivement ils allaient bien, mais je me disais que tu avais des nouvelles peut-être un peu plus fraiches.  Ah ben je vais te faire une confidence, je crois que si je reviens dans la région (ça va dépendre de mon boulot par la suite tu vois), je vais éviter de mettre les pieds à l'université pendant au moins genre…. Aller, 6 mois ! Histoire de me détraumatiser de cet endroit. 10 ans que j'y suis putain, 10 ans. J'en peux plus je te jure, je crois que ces derniers mois sont les plus difficiles à vivre de toute ma vie haha Concernant Evandro baheu ouais, je ne connais pas tout le monde, mais en revanche, Delgado ça me dit quelque chose, j'ai dû voir ça passer dans les papiers quand je te remplaçais alors que tu étais parti. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, j'ai un peu oublié. Cela dit, je suis super contente que tu t'entendes bien avec lui ! Il est préférable que ça se passe bien avec nos concurrents, ça met moins de pression. Enfin, moi en tout cas, j'aime bien apprendre d’autres comportementalistes, même si ce n'est pas tout à fait la même situation, je crois que tu as saisi l'idée. Il est beau gosse comment ? Tu veux me le décrire pour rêver un peu ?  

Ho ton expédition devait être bien sympathique, j'apprécie la lire dans ce sens en tout cas ! Olala le cours de potions, laisse tomber, je déteste ça, je faisais tout exploser à chaque fois. Je suis nulle en potions ! Comme l'arithmancie, par Merlin. Heureusement que je suis douée ailleurs, ça rattrape mes notes huhu

Tes mots me vont droit au cœur, merci beaucoup ! Dans le fond, je suis presque certaine d'obtenir mon année, c'est juste que l'inverse me fait flipper, du coup des fois j'y pense, mais ça va je gère bien, mes notes sont cool (enfin, elles me conviennent quoi). Dans tous les cas, je me réjouis d'aller en Hongrie commencer tout ça, c'est mon rêve qui se réalise, c'est fou !

Question difficile n'est-ce pas ? Pourtant, une balade à Londres avec toi ça me ferait plaisir, dès que j'aurai genre un week-end pour moi (un jour, peut-être). Je te suivrai aveuglément et le parc, ça me parait être une excellente idée. Ou un petit cinéma ? Pour tout t'avouer, je n'ai pas d'envie particulière, de visite en tout cas. J'ai surtout envie de flâner. J'adore la nature, vivre en autarcie et tout, mais je me surprends à être un peu nostalgique des grands bâtiments des fois, de la civilisation. Ou alors c'est le mal du pays, je ne sais pas trop.

Parlant de rêves, j'en ai pas trop en ce moment, je fais plus des cauchemars. Pas de la nature de ceux que je faisais l'année passée, c'est un peu plus… malsain. Je ne sais pas comment décrire. Ça me fait vraiment peur, les images paraissent tellement réelles. En plus c'est des situations absurdes genre on tue un dragon devant moi parce que mes études l'ont condamné, ce genre de choses tu vois ? Alors que je prends toutes les précautions nécessaires. Mais du coup, ça me poursuit toute la journée et ça revient la nuit. Horrible. Ça ne doit pas aider à mes maux de tête en tout cas.  

Je me réjouis de pouvoir te serrer contre moi. Les fleurs sont merveilleuses, elles sont posées à l'abri non loin de mon oreiller, ça me donne la sensation que tu n'es pas aussi loin.  D'ailleurs, sur le second parchemin joint à la lettre, tu y verras certaines animations qu'une tribu de sorciers indigènes a créées. J'ai trouvé ça fascinant. Ça ne vaut pas un bon film, mais je me suis dit que les représentations te plairaient.  

Avec toute mon amitié,

Abigail.

Le 08.05.20

Salut Abi,

Je suis sincèrement désolé pour George. C'est vrai qu'il paraissait bien fatigué depuis notre dernier échange... J'espère que d'avoir eu à faire autant de trajet n'aura pas contribué à aggraver son sort (même si j'en doute). On est tellement habitué à les avoir près de nous qu'on en vient à oublier que ces petites bêtes ne sont pas éternelles. Enfin, courage ma belle. C'est douloureux de perdre un compagnon de route, surtout un comme ça. Prend le temps qu'il faut en tout cas. George se repose maintenant. Tout va bien pour lui.

Enfin, je t'avoue qu'après ça, je n'ose pas dire ce que la vision de toi en exploratrice de la jungle m'inspire. Ce serait probablement trop aventureux de ma part ! Je vais éviter de me compromettre aussi vite.

Concernant l'incendie, je sais bien que c'était un accident. Mais quand on est en charge, c'est difficile de ne pas se sentir responsable. Je passe en revue tout ce qui aurait pu être fait pour éviter ça en amont... C'est une boucle sans fin. C'est idiot, mais en prenant mes fonctions je n'ai pas songé une seconde à vérifier l'état de nos boucliers et du sortilège de pluie en cas d'incendie.
Alors, je sais bien que c'est de la magie et que je n'y connais rien, mais le travail doit quand même être fait au bout du compte et puis les conséquences sont bien réelles. Je t'assure que des fois, je me demande vraiment ce qui est passé par la tête de ma famille pour me confier un tel poste. Je n'ai pas envie d'entrer dans une boucle négative. Je t'en parle parce-qu'on est proche, c'est tout. Tout est derrière maintenant.
Je ne sais pas si ça ira en ligne directe entre nous un jour, en tout cas. Pas que ça me dérange, mais j'ai l'impression que la vie préfère les circonvolutions, parfois. Je ne sais pas trop pourquoi. Enfin, peu importe.
Concernant Susan, j'envisageais de requérir les services d'un elfe de maison, car je sais qu'elle n'acceptera aucune autre forme d'aide. Qu'est-ce que tu en penses ? C'est pas forcément trop mon délire, mais c'est de sa génération (en plus elle est de sang-pur, tu sais). Je sais qu'il sera bien traité à la ferme, alors c'est peut-être une option à considérer. Madeline (la fille Keegan, les propriétaires de l'auberge du Sans souci en ville) m'a dit qu'elle demanderait à ses connaissances, voir s'il n'y a pas un elfe qui chercherait une place. Ce serait sans doute le plus pratique. Je ne sais pas comment il faut s'y prendre pour déposer une demande au ministère.
Affaire à suivre.
Mais pour conclure, ouais, tu me regarderas travailler en sirotant un cocktail. Ce sera à mon tour d'être tout couvert de sueur (quoique dans ce cas précis, je doute que ce soit très sexy).

Tu sais que je n'aime pas trop revenir sur des décisions. Bien-sûr le cinéma me manque, mais pour le moment j'arrive à passer outre, alors y'a plus qu'à croiser les doigts. Je pense que la famille vaut largement ce genre de sacrifice. Peut-être que je passerais à côté de ma passion, mais au moins j'aurais eu le sentiment de faire ce qui est juste. C'est plutôt pas mal !
Si tu aimes les défis, alors on en tient un beau. Je compte sur ton savoir immense pour combler mes lacunes, grand maître.
Concernant mon grand-père, peut-être... Je sais que je ne lui arriverais jamais à la cheville et que mon passage dans son univers n'est que transitoire, mais bon... Est-ce si important ? Je ne suis pas naïf au point de croire que ça changera quelque chose, parce-que je n'ai factuellement pas ce qu'il faut pour. Mais c'est pas vraiment important. Comme tu dis, peut-être que ça lui aurait fait plaisir quand-même. On n'en saura jamais rien de toute façon.

Concernant ta santé, tu es sûre que tout va bien ? Je ne veux pas faire le lourd, mais tu as toujours été un peu fragile et c'est vrai que ce climat... C'est un peu extrême quoi. J'espère que tu n'abuses pas trop (même si j'en doute, connaissant ton caractère passionné).

Pour l'université, je comprend. Le moment de tourner la page arrive. C'est tout un chapitre de ta vie et tu l'auras vécu pleinement jusqu'au bout. Et quand c'est la fin, c'est la fin (ouais, ça ne veut pas dire grand chose, mais tu comprends). Je suis vraiment fier de toi sérieusement (et toi aussi tu peux l'être).
Ah, j'étais sûr que le nom de Delgado t'étais au moins familier. Concernant l'homme... Hé bien, je dirais que c'est un bel exemplaire de ce que le Brésil produit de mieux. Brun, taille moyenne, petite barbe. Le genre propre sur lui, plutôt réservé avec un petit côté prétentieux qui n'est pas pour me déplaire. Lufkin évidemment. Tu vois le genre.

Maintenant que je sais à quoi ressemble un cours de potion, je compatis. Quand je pense que je me plaignais des maths au lycée, mais ce que vous faites en magie c'est carrément hardcore. J'ai l'impression qu'on peut passer l'arme à gauche à tout moment !
La potion ratée a manqué de griller le bureau et les élèves à côté. Je n'ose même pas imaginer les cours de soin aux créatures magiques ou de défense contre les forces du mal... Même en botanique, c'est comme si les deux tiers des plantes voulaient te buter.
Non, vraiment, le monde magique, c'est totalement wild. Je m'en faisais déjà pour ton métier, mais là... Jeez, je préfère ne pas y penser. Comment tu fais pour survivre face à des DRAGONS ?

Un cinéma, ça me va toujours. On se fera un petit festival, ou un truc d'auteur obscur à moitié fascinant et à moitié barbant. Mais c'est normal de manquer d'un environnement familier. On peut être solitaire, il y a un moment où la jungle, ça va... Enfin j'imagine. La terre, c'est important... Ou les racines, si tu préfères (sans oublier tes supers amis de qualité). Quoiqu'il en soit, on fera les choses à ton rythme. Je ferais en sorte d'avoir une option pour chacune de tes envie, ça te paraît bien ?

Au sujet des rêves, tu penses que c'est lié à la perte de George ou la fatigue ? Si tu n'es pas en grande forme, j'imagine que ça peut jouer oui... Essaye de te reposer.
Tu me parlais de la fin de tes études un peu plus haut : est-ce que tu ressens un dilemme moral par rapport à ce que tu fais, ou quelque chose dans ce goût là et qui pourrait expliquer ce genre de thématique dans ton rêve ? Tout est plus ou moins une question de symboles, je crois. Enfin, si on en croit la psychanalyse (je ne suis pas expert).

Content que les fleurs te plaisent !
Tu as davantage de détails sur cette tribu indigène ? C'est carrément intéressant... Pour tout dire, ça me rappelle plusieurs films que j'ai vu (probablement inspirés)... Mais ça date !
Une bonne raison de fouiller dans mon répertoire de vieux documentaires ! Je suis persuadé d'avoir déjà vu ce genre de symboles. Je verrais à faire des recherches, la prochaine fois que je serais de passage à l'université. Ça m'intrigue.

En attendant prend bien soin de toi.
Je joins à ce courrier un sachet de tisanes pour t'aider à dormir : un mélange de plante faiblement magique. Normalement, tu ne devrais plus avoir de mauvais rêves avec ça (tant qu'il s'agit simplement de stress).

Je pense à toi ma belle.
A bientôt.

Charlie